Le Journal de Montreal

Multiples priorités, multiples victoires.

- MARIO DUMONT Député de Rivière-du-Loup et chef de l’ADQ de 1994 à 2008. Il a été chef de l’opposition officielle de 2007 à 2008.

Depuis, 2003, le Parti libéral du Québec est devenu le parti des Québécois. Ses priorités ont été incroyable­ment changeante­s, mais la constante, c’est la capacité de ce parti de remporter les élections.

De 2003 à aujourd’hui, ce parti a subi une seule défaite, par seulement quatre sièges, dans ce qui apparaît aujourd’hui comme un accident de parcours. Ils ont quitté le pouvoir pour quelques mois à peine. En d’autres termes, si vous expliquez la politique québécoise à un étranger, dites-lui qu’à moins d’exceptions, le parti libéral gouverne.

Ce qui frappe en revoyant le fil de ces 15 années, c’est l’absence de constance. Le seul fil conducteur, c’est l’appartenan­ce au Canada. Pour le reste, les priorités durent un an ou deux puis changent, la plupart du temps sans que rien de significat­if n’ait été accompli en lien avec la priorité précédente.

HISTORIQUE

Jean Charest fut élu en 2003 en martelant « Ma priorité, c’est la santé ! » en plus du « Nous sommes prêts ». Une fois qu’il a été élu, la chose centrale est plutôt devenue la réingénier­ie de l’État. Pourtant le chef libéral avait combattu cette idée de réduction de la taille de l’État, que je portais avec l’ADQ, durant toute la campagne électorale.

Finalement, il n’y a eu ni améliorati­on en santé ni réingénier­ie. Dans ce dernier cas, les manifestat­ions dans les rues ont fait reculer le gouverneme­nt. Mais en approchant de l’élection suivante, celle de 2007, ces deux priorités n’existaient plus. Le Parti libéral était alors le parti des baisses d’impôt, celui qui parlait pour le pauvre contribuab­le surtaxé.

Jean Charest a même poussé l’audace jusqu’à prendre les millions que lui avait transférés Ottawa pour la santé (sa grosse priorité de 2003) et l’a remis à 100 % en baisses d’impôt. Pendant les années suivantes, le Parti libéral a multiplié les hausses de taxes.

En 2008, alors minoritair­e, Jean Charest a flairé les inquiétude­s de la population par rapport à la crise financière. La priorité est alors devenue l’économie, le sujet qui l’intéressai­t le moins. Il avait besoin d’avoir les deux mains sur le volant pour l’économie. Il mit alors de l’avant des idées fortes comme le Plan Nord et même la relance des projets hydroélect­riques, lui qui avait été plutôt un opposant à ceux-ci dans sa carrière.

L’ÈRE COUILLARD

Puis en cours de mandat, un viaduc tombe, la priorité économique passe désormais par la réfection des infrastruc­tures alors que le Plan Nord prend des allures de plan mort. En fin de mandat, du jour au lendemain, le Parti libéral mène soudain la bataille pour la hausse des frais de scolarité. Et affronte courageuse­ment la rue. Finalement dans les odeurs de corruption, ils perdent le pouvoir.

Devenu chef, Philippe Couillard gagne son élection en agitant la peur du référendum et ramène son parti au pouvoir. La grande priorité, une fois élu, devient la rigueur budgétaire. Malgré les dénonciati­ons d’austérité, il s’agit de l’un des seuls exemples où le but a été atteint.

Puis en approchant des élections, le même parti profite des marges de manoeuvre qu’il a dégagées pour devenir dépensier. Et tout à coup, un accent est mis sur l’éducation, le sujet qui avait été le plus négligé dans la première moitié du mandat.

Ces 15 années ne passeront pas à l’histoire comme un tournant pour le Québec. À travers ces idées changeante­s, les gouverneme­nts libéraux ont accompli nombre de choses valables. Surtout, il faut leur reconnaîtr­e une capacité phénoménal­e à lire l’électorat et à s’adapter à l’humeur du moment.

Le plus fort, c’est que le Parti libéral, aux priorités si variables, a gagné la plupart de ses élections en accusant ses adversaire­s… de changer d’idée ! Du grand art !

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D’ARCHIVES, LA PRESSE CANADIENNE, JACQUES BOISSINOT PHOTO De retour à l’Assemblée nationale en juin 2003, Mario Dumont félicite Jean Charest pour son élection.
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