Multiples priorités, multiples victoires.
Depuis, 2003, le Parti libéral du Québec est devenu le parti des Québécois. Ses priorités ont été incroyablement changeantes, mais la constante, c’est la capacité de ce parti de remporter les élections.
De 2003 à aujourd’hui, ce parti a subi une seule défaite, par seulement quatre sièges, dans ce qui apparaît aujourd’hui comme un accident de parcours. Ils ont quitté le pouvoir pour quelques mois à peine. En d’autres termes, si vous expliquez la politique québécoise à un étranger, dites-lui qu’à moins d’exceptions, le parti libéral gouverne.
Ce qui frappe en revoyant le fil de ces 15 années, c’est l’absence de constance. Le seul fil conducteur, c’est l’appartenance au Canada. Pour le reste, les priorités durent un an ou deux puis changent, la plupart du temps sans que rien de significatif n’ait été accompli en lien avec la priorité précédente.
HISTORIQUE
Jean Charest fut élu en 2003 en martelant « Ma priorité, c’est la santé ! » en plus du « Nous sommes prêts ». Une fois qu’il a été élu, la chose centrale est plutôt devenue la réingénierie de l’État. Pourtant le chef libéral avait combattu cette idée de réduction de la taille de l’État, que je portais avec l’ADQ, durant toute la campagne électorale.
Finalement, il n’y a eu ni amélioration en santé ni réingénierie. Dans ce dernier cas, les manifestations dans les rues ont fait reculer le gouvernement. Mais en approchant de l’élection suivante, celle de 2007, ces deux priorités n’existaient plus. Le Parti libéral était alors le parti des baisses d’impôt, celui qui parlait pour le pauvre contribuable surtaxé.
Jean Charest a même poussé l’audace jusqu’à prendre les millions que lui avait transférés Ottawa pour la santé (sa grosse priorité de 2003) et l’a remis à 100 % en baisses d’impôt. Pendant les années suivantes, le Parti libéral a multiplié les hausses de taxes.
En 2008, alors minoritaire, Jean Charest a flairé les inquiétudes de la population par rapport à la crise financière. La priorité est alors devenue l’économie, le sujet qui l’intéressait le moins. Il avait besoin d’avoir les deux mains sur le volant pour l’économie. Il mit alors de l’avant des idées fortes comme le Plan Nord et même la relance des projets hydroélectriques, lui qui avait été plutôt un opposant à ceux-ci dans sa carrière.
L’ÈRE COUILLARD
Puis en cours de mandat, un viaduc tombe, la priorité économique passe désormais par la réfection des infrastructures alors que le Plan Nord prend des allures de plan mort. En fin de mandat, du jour au lendemain, le Parti libéral mène soudain la bataille pour la hausse des frais de scolarité. Et affronte courageusement la rue. Finalement dans les odeurs de corruption, ils perdent le pouvoir.
Devenu chef, Philippe Couillard gagne son élection en agitant la peur du référendum et ramène son parti au pouvoir. La grande priorité, une fois élu, devient la rigueur budgétaire. Malgré les dénonciations d’austérité, il s’agit de l’un des seuls exemples où le but a été atteint.
Puis en approchant des élections, le même parti profite des marges de manoeuvre qu’il a dégagées pour devenir dépensier. Et tout à coup, un accent est mis sur l’éducation, le sujet qui avait été le plus négligé dans la première moitié du mandat.
Ces 15 années ne passeront pas à l’histoire comme un tournant pour le Québec. À travers ces idées changeantes, les gouvernements libéraux ont accompli nombre de choses valables. Surtout, il faut leur reconnaître une capacité phénoménale à lire l’électorat et à s’adapter à l’humeur du moment.
Le plus fort, c’est que le Parti libéral, aux priorités si variables, a gagné la plupart de ses élections en accusant ses adversaires… de changer d’idée ! Du grand art !