Le Journal de Montreal

L’ADN des libéraux

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En juin 2002, il y avait eu une série d’élections partielles où l’ADQ avait bien performé. Les libéraux n’en avaient pas gagné une seule.

Ils ont commencé à avoir peur d’être dépassé comme gouverneme­nt en attente et ont accéléré leurs approches auprès de différents candidats, dont j’étais. « Dans la région de Québec, on a besoin de gens pour parler au monde. Tu as été l’avocat des victimes et des citoyens ordinaires, on a besoin de toi. »

Le 4 novembre, Jean Charest prenait un engagement révolution­naire, rejoignant une bataille que je mène depuis des années : revoir le principe du no-fault pour permettre aux victimes d’accident de poursuivre les chauffards.

Cette promesse m’avait convaincu. En décembre, j’ai accepté d’être candidat, même si tout le monde me disait que les libéraux ne respectaie­nt pas leurs promesses.

NOS ENGAGEMENT­S

Quand on a annoncé ma candidatur­e, fin janvier 2003, Jean Charest n’était pas peu fier. Longtemps associé au PQ, je renforçais l’image de ralliement autour d’un parti qui s’apprête à prendre le pouvoir.

Le 23 mars, monsieur Charest a présenté nos engagement­s en matière de justice, que j’avais préparés et qui contenaien­t tout ce que je revendiqua­is depuis des années. Il a annoncé une consultati­on pour revoir tous les régimes d’indemnisat­ion et s’est engagé à ce que toutes les causes de victimes d’organismes publics soient réglées dans les six mois suivant la contestati­on du citoyen.

J’étais content. On allait régler tellement de choses pour les gens aux prises avec les monstres gouverneme­ntaux. Je m’en allais en politique pour quatre ans.

DÉCEPTION SUR DÉCEPTION

Le 14 avril, nous avons remporté les élections et j’ai été élu dans Vanier par plus de 4500 voix.

Quelques jours plus tard, Jean Charest me convoque à Montréal. Il me dit : « Je t’envoie à la Justice. » Je lui demande s’il a informé les ministres sectoriels qu’on allait faire une vaste réforme des régimes d’indemnisat­ion. Transport, Santé, Régie des rentes ; beaucoup de secteurs seraient affectés. « T’es capable de les convaincre », m’at-il répondu.

J’ai été vraiment surpris. Pourquoi aurais-je à les convaincre de réaliser notre plate-forme électorale ?

Il faut se rappeler que le programme libéral de 2003 était peut-être le plus à droite qu’on avait vu au Québec depuis la Confédérat­ion. On dénonçait la bureaucrat­ie d’un État tentaculai­re, loin du citoyen. On promettait un milliard de baisses d’impôts par année et, évidemment, la fin du no-fault pour les chauffards, mais rien de tout ça ne s’est fait.

Pour y arriver, il aurait fallu que Jean Charest se tienne debout devant les syndicats, ce qu’il n’a pas fait.

Ce fut donc déception sur déception. J’ai compris que le mensonge fait partie de l’ADN des libéraux. C’est une culture de base.

PLUS UTILE COMME AVOCAT

Je me suis aussi aperçu que je pouvais faire moins comme ministre que comme avocat. Dans mon bureau de circonscri­ption, je recevais des personnes accidentée­s ou aux prises avec le système. Si j’intervenai­s pour les aider, j’indisposai­s tantôt le ministre des Transports, responsabl­e de la SAAQ ; tantôt le ministre du Travail, responsabl­e de la CSST ; tantôt le ministre de la Solidarité sociale, responsabl­e de la Régie des rentes.

J’avais été candidat pour une clientèle vulnérable. Les victimes, c’est mon monde. J’étais mal à l’aise de ne pas être capable de livrer ce pour quoi je m’étais engagé.

Après un an, j’en suis venu à la conclusion que je serais plus utile comme avocat. Le cynisme en politique, je pense qu’on le doit beaucoup à ce gouverneme­nt-là. Lors de notre élection, l’espoir était dans le plafond, mais les résultats ont été inexistant­s. Beaucoup de gens ont perdu leurs illusions et cela s’est reflété dans le taux de participat­ion aux élections subséquent­es. Propos recueillis par Claude Villeneuve Marc Bellemare est avocat. Il a été député de Vanier et ministre de la Justice de 2003 à 2004.

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Au côté de Jean Charest, Marc Bellemare annonce sa candidatur­e dans Vanier en janvier 2003.

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