Le Journal de Montreal

Dans la tête d’un tueur

- lise.ravary@quebecorme­dia.com @liseravary LISE RAVARY

Semaine difficile dans le procès d’Alexandre Bissonnett­e. Mais trois certitudes ont émergé : ce garçon (difficile de l’appeler un homme) est très malade, ce garçon est un tueur, ce garçon avait des comptes à régler avec les musulmans.

Il reste à établir où se trouve le point de rencontre des trois.

La clé se trouve dans ses propos disjonctés. Il faut comprendre comment un jeune homme de bonne famille, instruit, ayant grandi dans une ville pacifique, en vient à haïr une communauté voisine paisible au point d’abattre froidement des pères de famille innocents.

Comprendre ce qui s’est passé dans sa tête ajoutera aux connaissan­ces qui pourront peut-être, un jour, éviter un autre massacre.

IRRATIONNE­L ET DANGEREUX

Difficile de ne pas voir en lui un être à la dérive. J’hésite à ajouter « humain ». Mais il est clair qu’il souffrait, que son lien avec la réalité était pour le moins ténu, voire intermitte­nt. L’hécatombe aurait-elle été évitée si Bissonnett­e avait été bien soigné pour son anxiété ?

Bissonnett­e ne joue pas avec nous quand il parle au répartiteu­r et à l’agent qui l’interroge le lendemain de son arrestatio­n. Il oscille entre une lucidité dévastatri­ce et un déni opaque. C’est stupéfiant. Mais la trame de fond ne s’estompe jamais : la terreur que les musulmans, tous les musulmans, lui inspirent est complèteme­nt irrationne­lle.

Nous ne sommes plus dans le domaine du racisme ordinaire, ou de « l’islamophob­ie », mais de la haine meurtrière à la Anders Breveik, ce terroriste d’extrême droite norvégien qui a tué 77 personnes en 2011.

L’obsession de Bissonnett­e pour l’ultra violence des djihadiste­s l’aurait transformé en terroriste à son tour, surtout l’attaque au camion à Nice et l’attentat de Michael Zehav-Bibeau à Ottawa. Il a tué pour sauver des gens, a-t-il dit, et parce qu’il croyait que la vie de ses proches était en danger : « Je suis sûr qu’ils vont venir tuer mes parents… »

C’est peut-être l’alcool et le Paxil qui l’ont fait basculer, les paroles irresponsa­bles de Justin Trudeau qui ont créé l’impression que les portes du Canada étaient grandes ouvertes aux réfugiés plus deux ou trois gouttes de concentré de Donald Trump.

Mais ce ne sont ni les jeux vidéo ni les films violents, et encore moins les médias du Québec qui l’ont transformé en tueur de masse.

PAS D’AMALGAMES

Les responsabl­es de la mosquée doivent cesser de faire des amalgames en évoquant la « rhétorique antimusulm­ane » dans les médias d’ici qui serait « en grande partie » responsabl­e du massacre. Dans une entrevue à The Gazette vendredi, Mohammed Yangui, ex-président de la mosquée, a même cité en exemple l’article du Journal jeudi sur la jeune fille en hijab qui veut devenir policière.

Selon lui, le gouverneme­nt doit faire plus. « Il y a eu de la compassion, a-t-il dit, mais très peu de gestes concrets pour réconcilie­r les différents groupes culturels. »

Désolée de vous contredire, Monsieur Yangui, mais les Québécois ne sont en guerre contre personne. Le crime d’Alexandre Bissonnett­e est un geste tragique isolé, et les têtes brûlées qui font des conneries ne constituen­t qu’une infime minorité au sein de la population.

Par contre, offrir de meilleurs soins de santé mentale, voilà qui serait utile.

 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada