Adieux au papier pour 135 000 $
Un petit tribunal administratif de Montréal est le seul à ce jour à avoir réussi ce tour de force
Alors que Québec annonçait dans son dernier budget 500 M$ pour moderniser le système de justice, un tout petit tribunal administratif basé à Montréal peut se vanter d’être le seul à ce jour à avoir réussi son virage numérique, et ce, pour moins de 135 000 $.
Dépôt électronique des documents, signatures numériques, paiement des frais en ligne, consultation et archivage du dossier au greffe virtuel : le Tribunal administratif des marchés financiers (TMF) a fait ses adieux au papier et est devenu le tout premier tribunal au Québec à effectuer la totalité de ses activités sur support numérique, en mai 2017.
Et depuis, « ça fonctionne tout seul ! » se réjouit la présidente Lise Girard, en entrevue avec Le Journal le mois dernier.
Les démarches entourant l’implantation de ce « eTribunal » se sont entamées trois années auparavant, avec l’arrivée de Me Girard à la tête du TMF. À l’époque, l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui soumet notamment ses dossiers au TMF, avait déjà comme volonté de mener les enquêtes sur support numérique, se souvient Me Girard.
« Je me disais que ça serait bien que le Tribunal puisse recevoir ces documents sur support numérique. Mais je ne voulais pas que ce ne soit que pour l’AMF. Je voulais donner cet avantage-là à toutes les parties. On avait toujours en tête le citoyen qui se représente seul », explique-t-elle.
Avouant sa connaissance limitée en matière informatique, Me Girard octroie un contrat de 25 000 $ aux services de gestion KPMG pour la guider dans ses actions.
« J’avais dit aux conseillers : dites-moi ce qui a fonctionné ailleurs et l’équipement qui existe, et on va le faire. » Elle réalise toutefois rapidement qu’il n’existe aucun projet global du genre au Québec.
LOGICIELS EXISTANTS
Si certains pays sont parvenus à effectuer le virage numérique, les logiciels utilisés étaient souvent onéreux et ne convenaient pas aux réalités du TMF, se désole Me Girard.
Refusant de se lancer dans le développement de nouveaux logiciels — une option dont les coûts et les délais peuvent devenir élastiques, souligne-t-elle — la présidente milite pour une solution « simple et existante ».
Son voeu sera exaucé lors d’une présentation sur la cyberjustice tenue à l’Université de Montréal, en 2016. Le Groupe Lafortune exposait deux plateformes numériques, Todoc, qui assure le dépôt électronique des procédures, et Docurium, qui faisait office de greffe public.
« Il ne restait qu’à [paramétrer les plateformes] en fonction des besoins spécifiques du tribunal », expose Me Girard.
COMBIEN ÇA COÛTE ?
Un contrat de gré à gré a été conclu avec le Groupe Lafortune pour 94 500 $, comprenant les deux logiciels et l’entretien pour quatre années, a pu constater Le Journal sur le système électronique d’appel d’offres du gouvernement (SEAO). À cette somme s’ajoutent 15 000 $ de matériel informatique, notamment pour équiper la salle de cour. Sans commenter ces investissements, Me Girard assure que l’implantation du projet s’est faite de façon graduelle, sans retard sur l’échéancier ni dépassement de coût, à même les budgets du TMF.
« Les gens pensent que c’est beaucoup plus compliqué que ce que ça peut être réellement [réussir le virage numérique]. On peut faire des petits pas pour y arriver, y aller progressivement et réussir à avoir des tribunaux sans papier », termine-t-elle.
« LES GENS NOUS DISENT QU’ON EST COMME UN LABORATOIRE. ON N’EST PAS UN LABORATOIRE : ON EST UNE ÉPROUVETTE [...]. CE QU’ON APPORTE, MÊME SI NOUS, ON EST PETITS, C’EST QU’ON DÉMYSTIFIE CE QUE C’EST, LE VIRAGE NUMÉRIQUE. » -Me Lise Girard, présidente du Tribunal administratif des marchés financiers