Le Journal de Montreal

Adieux au papier pour 135 000 $

Un petit tribunal administra­tif de Montréal est le seul à ce jour à avoir réussi ce tour de force

- KATHRYNE LAMONTAGNE — Avec la collaborat­ion de Marie-Christine Trottier

Alors que Québec annonçait dans son dernier budget 500 M$ pour moderniser le système de justice, un tout petit tribunal administra­tif basé à Montréal peut se vanter d’être le seul à ce jour à avoir réussi son virage numérique, et ce, pour moins de 135 000 $.

Dépôt électroniq­ue des documents, signatures numériques, paiement des frais en ligne, consultati­on et archivage du dossier au greffe virtuel : le Tribunal administra­tif des marchés financiers (TMF) a fait ses adieux au papier et est devenu le tout premier tribunal au Québec à effectuer la totalité de ses activités sur support numérique, en mai 2017.

Et depuis, « ça fonctionne tout seul ! » se réjouit la présidente Lise Girard, en entrevue avec Le Journal le mois dernier.

Les démarches entourant l’implantati­on de ce « eTribunal » se sont entamées trois années auparavant, avec l’arrivée de Me Girard à la tête du TMF. À l’époque, l’Autorité des marchés financiers (AMF), qui soumet notamment ses dossiers au TMF, avait déjà comme volonté de mener les enquêtes sur support numérique, se souvient Me Girard.

« Je me disais que ça serait bien que le Tribunal puisse recevoir ces documents sur support numérique. Mais je ne voulais pas que ce ne soit que pour l’AMF. Je voulais donner cet avantage-là à toutes les parties. On avait toujours en tête le citoyen qui se représente seul », explique-t-elle.

Avouant sa connaissan­ce limitée en matière informatiq­ue, Me Girard octroie un contrat de 25 000 $ aux services de gestion KPMG pour la guider dans ses actions.

« J’avais dit aux conseiller­s : dites-moi ce qui a fonctionné ailleurs et l’équipement qui existe, et on va le faire. » Elle réalise toutefois rapidement qu’il n’existe aucun projet global du genre au Québec.

LOGICIELS EXISTANTS

Si certains pays sont parvenus à effectuer le virage numérique, les logiciels utilisés étaient souvent onéreux et ne convenaien­t pas aux réalités du TMF, se désole Me Girard.

Refusant de se lancer dans le développem­ent de nouveaux logiciels — une option dont les coûts et les délais peuvent devenir élastiques, souligne-t-elle — la présidente milite pour une solution « simple et existante ».

Son voeu sera exaucé lors d’une présentati­on sur la cyberjusti­ce tenue à l’Université de Montréal, en 2016. Le Groupe Lafortune exposait deux plateforme­s numériques, Todoc, qui assure le dépôt électroniq­ue des procédures, et Docurium, qui faisait office de greffe public.

« Il ne restait qu’à [paramétrer les plateforme­s] en fonction des besoins spécifique­s du tribunal », expose Me Girard.

COMBIEN ÇA COÛTE ?

Un contrat de gré à gré a été conclu avec le Groupe Lafortune pour 94 500 $, comprenant les deux logiciels et l’entretien pour quatre années, a pu constater Le Journal sur le système électroniq­ue d’appel d’offres du gouverneme­nt (SEAO). À cette somme s’ajoutent 15 000 $ de matériel informatiq­ue, notamment pour équiper la salle de cour. Sans commenter ces investisse­ments, Me Girard assure que l’implantati­on du projet s’est faite de façon graduelle, sans retard sur l’échéancier ni dépassemen­t de coût, à même les budgets du TMF.

« Les gens pensent que c’est beaucoup plus compliqué que ce que ça peut être réellement [réussir le virage numérique]. On peut faire des petits pas pour y arriver, y aller progressiv­ement et réussir à avoir des tribunaux sans papier », termine-t-elle.

« LES GENS NOUS DISENT QU’ON EST COMME UN LABORATOIR­E. ON N’EST PAS UN LABORATOIR­E : ON EST UNE ÉPROUVETTE [...]. CE QU’ON APPORTE, MÊME SI NOUS, ON EST PETITS, C’EST QU’ON DÉMYSTIFIE CE QUE C’EST, LE VIRAGE NUMÉRIQUE. » -Me Lise Girard, présidente du Tribunal administra­tif des marchés financiers

 ?? PHOTO BEN PELOSSE ?? La présidente du TMF Lise Girard qu’on voit ici dans ses locaux de Montréal rappelle que son tribunal ouvre entre 200 et 250 demandes par année, ce qui n’a rien à voir avec la Cour du Québec, qui traite annuelleme­nt des centaines de milliers de dossiers.
PHOTO BEN PELOSSE La présidente du TMF Lise Girard qu’on voit ici dans ses locaux de Montréal rappelle que son tribunal ouvre entre 200 et 250 demandes par année, ce qui n’a rien à voir avec la Cour du Québec, qui traite annuelleme­nt des centaines de milliers de dossiers.

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