Le permis d’exportation du Chagall mis en doute
Un expert croit qu’il pourrait y avoir eu des pressions ou de la manipulation afin d’accélérer la vente de l’oeuvre
Un expert reconnu du milieu de l’art au Canada met sérieusement en doute la façon dont le dorénavant controversé tableau La tour Eiffel de Chagall a obtenu l’autorisation de quitter le pays pour être vendu à New York le mois prochain.
« C’est bien évident que quelqu’un a été manipulé, au niveau des vérifications, ou que des pressions ont été faites pour faire ça vite », a déploré Alain Lacoursière, un ancien policier chargé des enquêtes relatives aux oeuvres d’art à la police de Montréal et à la Sûreté du Québec, devenu consultant en oeuvres d’art.
Le tableau, propriété du Musée des beaux-arts du Canada (MBAC) depuis 1956, est actuellement à l’extérieur du pays pour être montré à des acheteurs potentiels en vue de la vente du printemps de la maison Christie’s, le 15 mai prochain.
Les profits de la vente doivent permettre au musée d’Ottawa de faire l’acquisition d’une oeuvre d’importance pour le Canada.
CONTROVERSE GRANDISSANTE
Concernant la vente du Chagall, des experts, qui comprennent mal qu’un tel tableau puisse être vendu par le musée d’Ottawa, demandent à la ministre du Patrimoine canadien, Mélanie Joly, d’intervenir dans ce dossier de plus en plus controversé afin de rectifier le tir. Une pétition circule également pour que la vente soit annulée.
La permission demandée par le MBAC pour l’exportation définitive de son Chagall a été traitée et autorisée dans une opération conjointe de Patrimoine canadien et de l’Agence des services frontaliers, qui relève du ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale.
« En vertu de la Loi [sur l’exportation et l’importation de biens culturels] et des processus établis pour ce faire, il n’est pas du ressort de la ministre du Patrimoine canadien ni du ministre de la Sécurité publique d’intervenir dans une décision relative à une licence d’exportation qui aura été émise en conformité avec la Loi », a mentionné Patrimoine Canada dans un échange de courriels avec l’Agence QMI.
TRAITEMENT INÉDIT
Le gouvernement refuse en outre d’intervenir pour préserver l’indépendance du musée.
Alain Lacoursière est convaincu que la demande du musée aurait dû être refusée par les premières instances étant donné la nature et l’importance du tableau de Chagall, ce qui aurait envoyé le dossier à la Commission canadienne d’examen des exportations des biens culturels pour révision, un processus qui prend de longs mois.
« Il n’y a jamais eu un autre dossier traité comme ça, d’une oeuvre nationale, jamais », a expliqué en entrevue M. Lacoursière, qui a déjà siégé au sein de la Commission.