Le Journal de Montreal

Les jeunes ? Libéraux !

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure

Les électeurs de 18 à 35 ans appuient le Parti libéral à 35 % selon le dernier sondage Léger. Le PQ ne reçoit que 20 % de leur appui, la CAQ 19 % et QS 14 %.

Nous savons aussi que les Québécois de cette tranche d’âge sont ceux qui ont le plus haut taux d’abstention lors des élections. Privés d’éducation civique, les jeunes semblent ignorer l’importance du vote. Baignant dans l’individual­isme, ils se perçoivent comme des individus sans attaches autres que leur famille et leurs amis. Je doute que le mot « compatriot­e » fasse partie de leur vocabulair­e.

Cette nouvelle génération n’a connu de la politique, dans son enfance, que le côté négatif. Les enfants des référendum­s ont grandi dans la déception de leurs parents souveraini­stes et l’amertume de leurs parents fédéralist­es en face des turbulents péquistes, ces nationalis­tes, empêcheurs de tourner en rond.

PRINTEMPS ÉRABLE

Les jeunes ignorent les secousses tellurique­s des grands rassemblem­ents nationalis­tes des décennies précédente­s. Et ils ont aussi été déçus par l’absence de retombées politiques du printemps érable. Et que fut le déclencheu­r de ce printemps sinon un mouvement pour combattre une augmentati­on de frais de scolarité universita­ire pour l’élite de la jeunesse ? Car les grands rassemblem­ents pour défendre la langue et l’identité québécoise sont chose du passé.

C’est donc une génération sans références historique­s, élevée dans la religion de l’individual­isme, du cosmopolit­isme et de la mixité sexuelle, sociale et raciale. Les plus jeunes ont vécu à Montréal dans un environnem­ent où les employées de garderie étaient voilées, mais avant tout gentilles et dévouées. Et leurs enseignant­s ont été, pour la plupart, les courroies de transmissi­on du relativism­e culturel et de la rectitude politique ambiante.

Ces 35 % d’appui au PLQ, certains les expliquent par leur culture pluraliste – comprenons leur aisance à vivre dans une société où se côtoient des gens de toutes origines et marginalit­és. À Montréal, ils se retrouvent dans des classes où, en tant que francophon­es de souche, ils sont minoritair­es.

POSTNATION­ALISME

Ces jeunes ignorent que l’État-nation a été l’assise de nos sociétés actuelles. Ils regardent les frontières comme des obstacles à la libre circulatio­n des personnes. Ces jeunes Québécois croient que le nationalis­me est discrimina­toire, une sorte de péché mortel à leurs yeux. Le voile islamique est un morceau de tissu, « y a rien là ». Ils sont culturelle­ment canadiens, donc postnation­aux et leur grand frère s’appelle Justin Trudeau.

Cette génération ne connaît que les déboires de la politique. Leurs rêves sont surtout personnels. Et qui pourrait les blâmer ? Le système d’éducation déficient les a privés de la mémoire collective indissocia­ble de leur identité et a failli à sa tâche première de leur apprendre à écrire correcteme­nt.

Sans doute voteront-ils libéral pour de mauvaises raisons. Par indifféren­ce politique, certes, parce que le débat identitair­e les plonge dans un univers inconnu, parce qu’ils ignorent aussi que la laïcité québécoise n’est pas un épouvantai­l contre leurs amis immigrants, mais l’acquis d’une civilisati­on qui affirme la primauté de l’être humain sur tous les dieux.

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Le premier ministre Philippe Couillard

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