Le Journal de Montreal

DE LOURDS DÉLAIS AU FÉDÉRAL AUSSI

- BORIS PROULX

OTTAWA | Il n’y a pas qu’au Québec que l’accès aux secrets du gouverneme­nt est difficile. Au fédéral, le système d’accès à l’informatio­n est dépassé, de l’aveu même de l’ex-commissair­e à l’informatio­n, et des demandes peuvent rester coincées dans l’administra­tion pendant des mois, voire des années.

« Le fédéral est captif de la bureaucrat­ie, qui croit que les problèmes seront réglés en restreigna­nt l’accès à l’informatio­n », critique le journalist­e d’enquête du réseau CBC Dean Beeby.

DES ANNÉES

Un rapport dévastateu­r de la commissair­e à l’informatio­n du Canada a souligné en juin que plus du tiers (36 %) des demandes d’accès à l’informatio­n ne sont pas traitées à l’intérieur du délai maximal de 30 jours prévu par la loi.

Quelque 2300 demandes (3 % du total) sont demeurées sans réponse pendant plus d’un an. Une véritable explosion par rapport aux deux années précédente­s (1526 et 1335 demandes, respective­ment).

Selon l’ex-commissair­e Suzanne Legault, le système est devenu plus efficace lors des dernières années du gouverneme­nt Harper, puis a souffert d’un nouveau recul durant la première année du règne Trudeau (2015-2016), qui prépare une réforme contestée de l’accès à l’informatio­n.

« On voit la tentation pour la bureaucrat­ie d’attendre et d’ignorer les règles sur les délais, puisqu’il n’y a pas de punitions, pas d’amendes, explique Dean Beeby. S’ils attendent assez longtemps, ils évitent de faire les manchettes, d’être exposés pour leur mauvaise gestion. »

DES EXEMPLES RÉVÉLATEUR­S

Le journalist­e indépendan­t Justin Ling, auteur d’une formation sur l’accès à l’informatio­n pour l’Associatio­n canadienne des journalist­es, rapporte que Santé Canada a oublié l’une de ses demandes d’informatio­ns sensibles durant trois ans. Après toute cette attente, on a essayé de le convaincre d’y renoncer, ce qu’il a refusé par principe.

« La longueur des délais a atteint un tel niveau que le système ne fonctionne juste plus », résume-t-il.

Comme lui, la plupart des journalist­es de la colline parlementa­ire à Ottawa qui doivent utiliser ce système sont exaspérés.

Le magazine Maclean’s a, par exemple, mis moins de temps à trouver un fugitif recherché par le Canada pour des crimes de guerre en Serbie qu’à obtenir du gouverneme­nt des informatio­ns à son sujet.

La demande d’accès à l’informatio­n était restée coincée deux ans et demi dans le système. Des délais additionne­ls de 210 jours ouvrables sont d’ailleurs régulièrem­ent demandés aux journalist­es du Journal pour des demandes aussi simples que l’obtention de notes de breffage. Y répondre en 30 jours « entraverai­t de façon sérieuse le fonctionne­ment du ministère », selon le gouverneme­nt. – Avec la collaborat­ion

d’Émilie Bergeron

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