Le Journal de Montreal

Vers un Mai 2018 ?

- Loïc Tassé

Beaucoup rêvent d’un nouveau Mai 68. Cinquante ans après le célèbre mouvement, le gouverneme­nt d’Emmanuel Macron a réussi à réunir dans un même camp d’opposants des fonctionna­ires, des profession­nels, des cols bleus, des retraités et des étudiants.

Ils sont descendus dans la rue jeudi en scandant des slogans contre Macron : « Macron président des riches » ou « Macron valet des patrons ». Mais le mouvement de 2018 n’a pas grand-chose à voir avec celui de 1968. La mobilisati­on est en comparaiso­n médiocre. Les idées maoïstes qui intoxiquai­ent les soixante-huitards sont discrédité­es. Le mouvement de Mai 2018 semble d’abord être une stratégie destinée à soutenir les revendicat­ions des travailleu­rs des chemins de fer.

1 Qui sont les étudiants protestata­ires ?

Une petite partie des étudiants est mobilisée. Sur 71 facultés et université­s, seules 11 sont en grève. Hier matin, à Paris, la police a évacué l’université de Tolbiac. Depuis trois semaines elle était occupée par quelques dizaines d’étudiants. La prestigieu­se école de Sciences politiques de Paris a été occupée par une centaine d’étudiants. Mais l’école en compte plus de 3000. Souvent, les protestata­ires paraissent être dans la mouvance de courants anarchiste­s.

2 Que veulent les étudiants ?

De manière générale, certains étudiants protestent contre la réforme du système d’éducation proposée par le gouverneme­nt Macron. Ils ne veulent pas que les université­s sélectionn­ent les étudiants à l’entrée. La sélection se faisait auparavant par tirage au sort. La réforme abolit les tirages au sort. Elle permet aussi aux étudiants de se réinsérer dans le parcours universita­ire. Jusqu’à présent, ce parcours ressemblai­t à une autoroute avec de multiples voies de sortie, mais aucune entrée pour y retourner.

3 Que veulent les travailleu­rs ?

Le fer de lance du mouvement de contestati­on est constitué par les syndicats de la Société nationale des chemins de fer (SNCF). Les cheminots dénoncent une diminution de leurs conditions de travail ainsi que le spectre de la privatisat­ion des chemins de fer français. Les cheminots appellent à une mobilisati­on générale. Avec comme slogan « même Macron, même combat », ils sont parvenus à entraîner plusieurs travailleu­rs d’autres branches. Beaucoup de travailleu­rs estiment que si les cheminots perdent leur bataille, alors la même chose leur arrivera.

4 Que dit le gouverneme­nt ?

Le gouverneme­nt campe sur ses positions. Les élus du parti de Macron rappellent qu’ils ont obtenu la majorité des voix lors des élections et qu’ils représente­nt la volonté des électeurs. Du reste, le déficit de la SNCF est abyssal (47 milliards d’euros) et il illustre à lui seul l’impasse où aboutit le système actuel d’avantages sociaux des cheminots. Pour le gouverneme­nt, les cheminots peuvent négocier et se mobiliser, mais ils doivent accepter la volonté de la majorité. Par ailleurs, la mobilisati­on faiblit. Ce jeudi, selon les estimation­s de la police, seules 120 000 personnes sont descendues dans les rues pour manifester. La précédente journée de manifestat­ion nationale avait mobilisé 300 000 personnes.

5 Que révèle ce conflit sur la France ?

En dépit du romantisme révolution­naire de certains étudiants et malgré les efforts de plusieurs regroupeme­nts syndicaux, les chances de transforme­r ce mouvement en une sorte de Mai 2018 sont assez faibles. Le mouvement ne réussit pas à décoller parce que les Français demeurent très divisés. Cette division s’observe même entre les syndicats. Plusieurs d’entre eux n’appuient pas le mouvement de convergenc­e des luttes. La France a en effet besoin de personnes et d’idées rassembleu­ses. À l’évidence, rien ni personne n’y parvient encore.

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