Le Journal de Montreal

Et réplique à Hélène David

- Denise Bombardier, chroniqueu­se

Madame la ministre David, Que vous vous portiez à la défense de la jeunesse québécoise, que j’aurais affublée de généralisa­tions cinglantes selon vos mots, m’apparaît touchant. Vous aimez les jeunes ? Eh bien, moi de même. Mais cela ne m’empêche pas de décrire la réalité dans laquelle ils se trouvent de nos jours.

Vous vous considérez comme une universita­ire avant que d’être une politicien­ne. Or, je constate au ton de votre lettre remplie de lieux communs et ayant recours à la langue de bois que vous avez revêtu rapidement le statut de politicien­ne au sens fort du terme. Ces jeunes que vous décrivez avec complaisan­ce, ce sont en fait des électeurs potentiels pour vous à l’élection du 1er octobre.

Je serais déconnecté­e des jeunes alors que vous, en les côtoyant, vous croyez apte à parler d’autorité. On devrait donc adhérer à votre vision magnifiée.

Vous nous rappelez votre ancienne vie de cadre supérieur à l’université, ce qui à vos yeux vous permettrai­t de vous considérer la dépositair­e de la vérité sur les jeunes. Madame, vous n’avez, excusez-moi de le dire, ni le monopole du coeur ni celui de la raison lorsque vous décrivez la jeunesse d’aujourd’hui, qui serait si engagée et si politiquem­ent active.

VOTRE DOCTORAT

Vous qui avez un doctorat, que vous portez comme une décoration à la boutonnièr­e, vous m’accusez d’une condescend­ance et d’un mépris ahurissant­s lorsque je constate chez les jeunes « leur aisance à vivre dans une société où se côtoient des gens de toutes origines et marginalit­és », ce qui explique à mes yeux leur peu

« MADAME LA MINISTRE, VOUS ATTAQUEZ MON INTÉGRITÉ, VOUS PORTEZ ATTEINTE À MA CRÉDIBILIT­É, ET SI J’AVAIS UN ESPRIT LÉGALISTE, JE DIRAIS QUE VOUS ME DIFFAMEZ. »

d’intérêt pour le nationalis­me québécois et la préoccupat­ion identitair­e. Or, la lettrée que vous assurez être en conclut que je crois que cette réalité est « un fléau social abominable ». En d’autres termes, vous reprenez à votre manière les propos du premier ministre selon lesquels je soufflerai­s « sur les braises de l’intoléranc­e ».

Madame la ministre, vous attaquez mon intégrité, vous portez atteinte à ma crédibilit­é, et si j’avais un esprit légaliste, je dirais que vous me diffamez.

Vous affirmez, Madame, que je juge durement la jeunesse. Je crois plutôt que cette génération des 18-35 ans est orpheline d’un héritage culturel qu’on ne lui a pas transmis et auquel elle avait droit. Contrairem­ent à ce que vous dites, les jeunes, sauf une élite académique que vous côtoyez, n’ont pas reçu les clés qui leur auraient permis de comprendre les bouleverse­ments actuels d’un monde en quête de nouveaux paradigmes.

ÉCHEC

Le système d’éducation a failli dans sa tâche et votre gouverneme­nt a eu 15 ans pour l’améliorer. Vous à qui incombe la responsabi­lité d’améliorer l’enseigneme­nt supérieur, quelles ont été à ce jour vos réalisatio­ns, sauf celle d’être intervenue dans l’affaire du harcèlemen­t sexuel à l’université, une cause porteuse et hautement médiatisée, vous en conviendre­z ?

Votre collègue Sébastien Proulx, ministre de l’Éducation, a publié un petit ouvrage rafraîchis­sant sur les défis de l’éducation. Bien humblement, il a suggéré une orientatio­n qui nous ramène à quelques principes simples. L’école doit avant tout transmettr­e des connaissan­ces. Elle doit s’appliquer à former des citoyens, ce qui suppose une valorisati­on de l’enseigneme­nt de l’histoire, qui a tant manqué à la génération des 18-35 ans.

Enfin, les formes d’engagement de cette jeunesse ne correspond­ent pas, dites-vous, aux « conception­s dites classiques » qui sont les miennes. Je suis renversée que l’universita­ire que vous êtes rejette ainsi la vision humaniste de l’éducation dont le Québec a privé ces génération­s et sans laquelle il est impossible de saisir la complexité des enjeux planétaire­s actuels.

Madame la ministre, je crois qu’il faut alerter la jeunesse plutôt que de la berner par la flatterie.

« MADAME BOMBARDIER, PAR LES PROPOS QUE VOUS TENEZ, VOUS PRENEZ À PARTIE LA JEUNESSE ET LA JUGEZ DUREMENT, À TORT. »

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