Le boulanger qui vient de loin
Il quitte son emploi dans le domaine du transport pour ouvrir sa boulangerie dans un quartier de Montréal
Tewfik Baba Ahmed avait le goût de se lancer en affaires sans trop savoir dans quel domaine investir. Pour ses 40 ans, sa femme lui a offert un cours d’une journée en boulangerie. Du jour au lendemain, l’expert en transport est retourné sur les bancs d’école pour apprendre le métier et lancer sa propre entreprise.
« Fini le 9 à 5. Mes journées commencent maintenant vers 2 h du matin et se terminent souvent à 18 h, à la fermeture de la boulangerie. Il me manque peut-être du sommeil, mais mon nouveau métier me comble totalement. »
Tewfik Baba Ahmed a travaillé pendant 10 ans en logistique du transport en commerce international pour différentes entreprises. « J’aimais ce que je faisais, mais j’avais de plus en plus de difficulté avec la gestion quotidienne, les objectifs à atteindre... Il me manquait aussi le contact avec les gens. »
Le cadeau de sa femme était parfait pour un homme qui aime bien cuisiner. C’est là que le déclic s’est produit.
« J’ai su tout de suite ce que je voulais faire du reste de ma vie, raconte celui qui a émigré d’Algérie au début des années 2000. Après, tout s’est mis en place rapidement. J’ai été viré de mon emploi, un service que m’a rendu mon employeur. Je n’ai pas hésité et je me suis inscrit à une formation en boulangerie. »
TRAVAIL ARTISANAL
Après un cours intensif de huit mois, il a travaillé pendant près de trois ans pour différentes boulangeries, d’abord comme apprenti puis comme boulanger en titre.
« Pendant ces années, je me suis perfectionné, j’ai appris différentes techniques. »
Il ne lui a pas fallu longtemps pour décider d’ouvrir sa propre boulangerie, Le Far Breton, un projet qu’il a financé avec ses économies personnelles. Son quartier de prédilection : Rosemont–Petite-Patrie, où il avait déjà habité avec sa femme et ses deux enfants, aujourd’hui âgés de trois et quatre ans.
« Il y a une véritable vie de quartier ici et il y a beaucoup de jeunes familles. »
Il a trouvé un petit local qu’il a rénové lui-même pour sauver des coûts. Il a notamment ouvert l’espace réservé à la cuisine en remplaçant les murs par un grand pan de fenêtres. Les clients ont ainsi tout le loisir de voir le boulanger à l’oeuvre en train de façonner ses pains à la main.
POURQUOI LE FAR BRETON ?
« Le far breton, c’est le dessert de mon enfance, explique Twefik. En Algérie, il y a des cafés et des boulangeries à tous les coins de rue. La vraie boulangerie française. Je suis Algérien de naissance, mais je suis breton de coeur ! »
Le far breton fait donc partie des spécialités de la boulangerie depuis son ouverture aux côtés des pains et des baguettes, des croissants et des viennoiseries, en plus de quelques mets préparés (soupe, sandwichs et quiches).
Au fil du temps, il a ajouté d’autres classiques de la pâtisserie bretonne à la demande de ses clients bretons. « Cela a été un défi pour moi de faire certaines spécialités », dit-il.
Il a donc allongé sa carte de desserts notamment avec le fameux kouign-amann, une pâtisserie-boulangère faite de pâte à pain généreusement beurrée et sucrée. « Comme on dit au Québec, c’est cochon ! »
À l’occasion de Noël, il a offert un spécial à sa clientèle : des panettones. Cette brioche traditionnelle du temps des Fêtes chez les familles italiennes exige trois jours de préparation. « J’ai dû dormir à la boulangerie pendant deux nuits », raconte le boulanger.
Le Far Breton a déjà une clientèle fidèle qui augmente sans cesse et qui déborde des limites du quartier. Plusieurs ont déjà pris l’habitude de lui passer des commandes, histoire de faire provision. Il ne vend pas encore sur internet. Un jour, peut-être, mais il n’en est pas encore là.