Le Journal de Montreal

Des mois à laver le plancher sans toucher un salaire

Un entreprene­ur aurait floué des dizaines d’immigrés avec sa société d’entretien ménager

- CAMILLE GARNIER

« C’EST MON SANG ET MA SUEUR QUE J’AI MIS DANS CETTE AFFAIRE, 4 ANS D’ÉCONOMIE QUE J’AI PERDU DANS UNE ARNAQUE. » – Abdel-Moula Zine

Des immigrés se disent trahis et humiliés après avoir croisé la route du patron d’une société de nettoyage qui aurait profité de leur naïveté pour les faire travailler gratuiteme­nt et soutirer à certains toutes leurs économies.

« C’est mon sang et ma sueur que j’ai mis dans cette affaire. Quatre ans d’économie que j’ai perdu dans une arnaque », explique amèrement Abdel-Moula Zine, un résident permanent d’origine marocaine, arrivé au Québec en 2014.

M. Zine fait partie de la dizaine de témoins, tous d’origine maghrébine, qui ont affirmé au Journal avoir été floués par Madani El Behi, le patron de l’entreprise Dan Expert Pro.

MIGRANTS

« Il s’attaque à des migrants comme moi qui connaissen­t mal le marché du travail québécois et ont besoin de nourrir leur famille. Il en profite pour nous balader, c’est honteux », affirme de son côté Mohammed Aouadj, qui a dû multiplier les coups de fil et les déplacemen­ts dans les bureaux de M. El Behi pour obtenir une partie des trois mois de salaire qui lui étaient dus.

Madani El Behi, qui a fait l’objet d’une vingtaine de poursuites au cours des deux dernières années (voir autre texte), aurait vendu des franchises d’entretien ménager, promettant à l’acheteur un salaire fixe à travers un ou plusieurs contrats de nettoyage.

Il obtenait ces contrats dans des pharmacies Jean Coutu ou des Éconofitne­ss, entre autres (voir texte ci-contre).

« Moi je lui ai dit qu’il me fallait des revenus d’environ 4000 $ par mois, explique Abdel-Moula Zine. Pour obtenir ces revenus, il m’a proposé une licence à 17 000 $. J’ai dû payer un acompte de 8000 $ comptant à la signature du contrat. »

PAS PAYÉ

Après un mois de travail à nettoyer six jours par semaine un Jean Coutu du boulevard Henri-Bourassa, M. Zine a constaté qu’il n’était pas payé et a donc arrêté de se rendre sur place.

« Je partais en pleine nuit pour nettoyer les locaux, commente-t-il. C’est un travail difficile et c’est très frustrant de faire ça des semaines pour 0 dollar. »

Certains témoins, comme M. Zine, disent n’avoir reçu aucun salaire en échange de leur travail. D’autres expliquent en avoir touché qu’une partie et seulement après des mois de réclamatio­ns.

Une dernière partie des témoins affirme avoir versé jusqu’à des dizaines de milliers de dollars pour une franchise, sans jamais obtenir les contrats d’entretien promis et le salaire les accompagna­nt.

PLEURS

« Des gens défilaient dans le bureau sans cesse pour réclamer leur argent, il y avait des femmes en pleurs, des gens détruits qui avaient tout perdu. C’était terrible de voir ça », explique un ancien collaborat­eur de M. El Behi qui a demandé à garder l’anonymat.

L’homme estime qu’une trentaine de personnes au minimum ont été flouées par Madani El Behi, un chiffre qui semble crédible selon plusieurs témoins.

 ?? PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY, ET COURTOISIE ?? Abdel-Moula Zine, Mohamed Aouadj, Khadraoui Said et Rabah Keteb décrivent tous le patron Madani El Behi (en mortaise) comme un manipulate­ur qui profiterai­t de la confiance des individus de sa communauté pour leur soutirer de l’argent.
PHOTOS AGENCE QMI, JOËL LEMAY, ET COURTOISIE Abdel-Moula Zine, Mohamed Aouadj, Khadraoui Said et Rabah Keteb décrivent tous le patron Madani El Behi (en mortaise) comme un manipulate­ur qui profiterai­t de la confiance des individus de sa communauté pour leur soutirer de l’argent.

Newspapers in French

Newspapers from Canada