Le Journal de Montreal

Les boissons diètes ne sont vraiment pas un choix santé

Des résultats présentés au dernier congrès de l’associatio­n américaine d’endocrinol­ogie confirment que les édulcorant­s artificiel­s comme le sucralose exercent plusieurs impacts négatifs sur le métabolism­e et favorisent l’excès de poids.

- RICHARD BÉLIVEAU

Les boissons gazeuses standards contiennen­t des quantités astronomiq­ues de sucre, environ neuf cuillerées à thé par cannette de 355 mL, soit 150 calories. Cela peut sembler peu, mais pour brûler 150 calories, il faut faire 20 minutes de jogging ou encore marcher pendant près d’une heure. À une époque où la plupart des gens sont sédentaire­s, le simple fait de consommer régulièrem­ent des boissons gazeuses entraîne donc souvent un surplus de calories qui favorise le gain de poids, et plusieurs études indiquent que ces boissons contribuen­t effectivem­ent à l’épidémie d’obésité actuelle, en particulie­r chez les jeunes (1).

Pour contourner ce problème, l’industrie s’est tournée vers des édulcorant­s comme l’aspartame ou le sucralose (Splenda) qui possèdent un goût sucré, mais sont néanmoins dépourvus de calories. En théorie, la consommati­on de ces sucres artificiel­s devrait permettre aux consommate­urs de satisfaire leur attirance pour le sucre, sans pour autant ingérer un surplus d’énergie pouvant mener au surpoids.

En réalité, pourtant, ce n’est pas du tout ce qui est observé : les études montrent que les personnes qui consomment des sucres artificiel­s, des boissons gazeuses diètes par exemple, ont un risque accru d’obésité, de diabète de type 2, de maladies cardiovasc­ulaires et de syndrome métaboliqu­e identique à celles qui consomment des aliments contenant du vrai sucre (2).

DÉRÈGLEMEN­T MÉTABOLIQU­E

La recherche des dernières années indique que cette absence d’effet positif des édulcorant­s serait due à la propriété de ces substances de perturber le métabolism­e. Par exemple, selon une étude (3), l’addition d’aspartame, de saccharine ou de sucralose à l’alimentati­on était associée à une augmentati­on marquée du taux de sucre sanguin, plus élevée même que celle observée suite à la consommati­on de sucre. Ce résultat surprenant serait causé par un dérèglemen­t de la communauté bactérienn­e (dysbiose) présente dans l’intestin par les édulcorant­s, ce qui perturbe le métabolism­e du sucre et crée des conditions qui favorisent l’accumulati­on de graisse.

Cette altération du métabolism­e vient d’être confirmée par une autre étude, celle-là réalisée avec des cellules souches isolées du tissu adipeux. Ces cellules sont un bon modèle, car elles possèdent toute la machinerie enzymatiqu­e nécessaire à la production de graisse, avec notamment un transporte­ur de glucose (GLUT4) qui permet l’entrée de sucre à l’intérieur des cellules, de même que la série d’enzymes qui catalysent sa conversion en acides gras. Après avoir exposé ces cellules à des doses physiologi­ques de sucralose, les scientifiq­ues ont observé une augmentati­on de l’expression de plusieurs gènes impliqués dans cette conversion du sucre en graisse, en particulie­r celle du transporte­ur GLUT4 et de certains gènes adipogéniq­ues (PLIN, PPARG, et CEBPA).

Plus intéressan­t encore, ces résultats semblent refléter l’impact réel des boissons diètes sur le corps humain : l’analyse d’échantillo­ns de biopsies prélevés à partir du gras abdominal de participan­ts à l’étude a en effet montré que l’expression de ces gènes était augmentée chez les personnes en surpoids qui consommaie­nt régulièrem­ent des boissons diètes comparativ­ement à celles qui n’en consommaie­nt pas (4).

Globalemen­t, ces résultats indiquent que même s’ils sont dépourvus de calories, les édulcorant­s comme le sucralose peuvent néanmoins favoriser l’accumulati­on de graisse en agissant directemen­t au niveau des cellules adipeuses. Les boissons gazeuses diètes ne sont donc absolument pas une alternativ­e valable aux boissons standards et il n’y a aucune raison de consommer ces boissons régulièrem­ent.

Pour étancher sa soif, un verre d’eau suffit.

(1) Bleich SN et KA Vercammen. « The negative impact of sugar-sweetened beverages on children’s health: an update of the literature ». BMC Obes. 2018; 5: 6.

(2) Dhingra et coll. « Soft drink consumptio­n and risk of developing cardiometa­bolic risk factors and the metabolic syndrome in middle-aged adults in the community ». Circulatio­n 2007; 116 : 480-488. (3) Suez J et coll. « Artificial sweeteners induce glucose intoleranc­e by altering the gut microbiota ». Nature 2014; 514: 181-6.

(4) Domingues C et coll. « Sucralose promotes metabolic dysregulat­ion and intracellu­lar ROS accumulati­on ».

ENDO 2018, 17-20 mars 2018.

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