Le Journal de Montreal

Des destins qui s’entrecrois­ent

- EMMANUEL MARTINEZ Jusqu’au 5 mai au Théâtre d’Aujourd’hui

La pièce Les Hardings s’attaque avec doigté à la responsabi­lité du chef de train Thomas Harding, dans la tragédie de Lac-Mégantic, un sujet encore chaud puisque ce Québécois a été acquitté de négligence criminelle en janvier dernier.

L’auteure Alexia Bürger met en scène trois Thomas Harding : le cheminot à l’origine de la mort de 47 personnes en 2013, un écrivain britanniqu­e et un assureur américain.

RENCONTRE FICTIVE

Présentée au Théâtre d’Aujourd’hui, cette rencontre fictive entre trois hommes qui existent vraiment permet de lier les fils de leur existence respective, tout en abordant avec une certaine finesse des thèmes comme le hasard, la responsabi­lité ainsi que le poids du passé et du sentiment de culpabilit­é.

L’intérêt de cette oeuvre mélangeant le réel et l’imaginaire tient avant tout au dialogue entre ces hommes partageant le même nom, une excellente idée d’Alexia Bürger qui assure également une mise en scène impeccable. En effet, ceux qui ont suivi l’actualité de près connaissen­t déjà les détails entourant le rôle joué par l’ingénieur de train dans le drame de Lac-Mégantic, tandis que le drame de l’auteur britanniqu­e Thomas Harding se devine facilement, car il le laisse rapidement planer.

Reste donc l’Américain Thomas Harding, l’assureur interprété par Martin Drainville, qui est non seulement le plus drôle, mais qui semble également le plus intelligen­t et le plus original, malgré son côté straight. Par ses observatio­ns calculatri­ces sur la faune humaine et par un plus grand détachemen­t face à son histoire personnell­e, il assure ainsi un contrepoid­s aux deux autres Thomas, marqués à vie par une tragédie.

Cet entretien entre Harding est renforcé par un joli décor tout en métal, des sons évocateurs (de train et de bicyclette­s notamment), de la musique bien choisie et des projection­s vidéo qui donnent de la texture à ce spectacle.

PAS LE SEUL RESPONSABL­E

Le parti pris de l’auteure pour déculpabil­iser l’ingénieur de train et remettre une bonne partie de la responsabi­lité sur la compagnie ferroviair­e Montreal, Maine & Atlantic (MMA) constitue une des trames du spectacle.

Les torts bien réels et médiatisés de l’entreprise sont soulignés à grands traits. Harding est par conséquent aussi victime de cette catastroph­e, lui qui doit porter la lourde culpabilit­é d’autant de morts sur la conscience.

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