Le Journal de Montreal

Roman controvers­é remis en vente malgré l’enquête

- GENEVIÈVE LAJOIE

QUÉBEC | Toujours sous la menace d’une possible accusation, la maison d’édition ADA remet en vente un controvers­é roman à succès qui contient un passage décrivant l’agression sexuelle d’une enfant.

La version glauque du conte pour enfants Hansel et Gretel de l’auteur québécois Yvan Godbout est finaliste pour le prix Aurora-Boréal 2018.

Jusqu’à aujourd’hui, elle n’était toutefois plus disponible sur les étals des librairies et des grandes surfaces en raison d’une plainte formulée à la police en janvier par une enseignant­e.

La Sûreté du Québec a procédé à l’enquête et soumis le dossier au Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) en février. Depuis, c’est silence radio. « Le dossier est sous analyse », s’est limité à commenter le porte-parole Jean-Pascal Boucher.

Cette semaine, le député péquiste Stéphane Bergeron a profité de la comparutio­n du patron de la SQ en commission parlementa­ire pour avoir l’heure juste.

« Mon coeur de père a pleuré en lisant ce passage, mais je dois vous dire que la littératur­e, le cinéma, la télévision ne sont pas exempts de ce genre de cas, a-t-il lancé. Est-ce qu’on est revenu à l’époque de Duplessis, au cours de laquelle une certaine pudibonder­ie ambiante amenait l’État à mettre des ouvrages à l’index ? »

Le numéro un de la police provincial­e, Yves Morency, a rétorqué que la SQ avait l’obligation de traiter les plaintes des citoyens. « Mais ce que je peux vous garantir, c’est qu’on ne joue pas le rôle de censeurs », a-t-il assuré.

La maison d’édition ADA a pris la décision de remettre son livre sur le marché. Joint par notre Bureau parlementa­ire, l’éditeur François Doucet estime avoir perdu plus de 100 000 $ dans cette mésaventur­e.

UN CONTE D’HORREUR

Ce n’est pas de la pornograph­ie juvénile, mais un livre de science-fiction, un conte d’horreur, insiste l’éditeur. M. Doucet rappelle que plusieurs romans à succès contiennen­t des scènes crues. « Dans Games of Thrones, Sansa [Stark], dans le livre, se fait violer à son mariage ! » renchérit-il.

Matthieu Fortin, directeur commercial aux Éditions ADA, était au bureau quand les limiers de la SQ sont débarqués, le 19 janvier. Il explique que c’est la maison d’édition qui a pris la décision de retirer les livres des librairies « pour ne pas envenimer les choses ». M. Fortin ajoute que les policiers ont approuvé leur initiative. « Ce n’était pas une demande expresse [de la police], mais c’était fortement suggéré. »

La porte-parole de la SQ, Martine Asselin, affirme que les policiers n’ont pas confisqué les copies du roman. « On leur a dit que c’était une bonne idée effectivem­ent [de retirer le livre des étals], mais nous, on n’a rien saisi », a-t-elle dit.

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