MONTRÉAL RETOUR SUR L’IMAGE
1 DEUX VILLES, UNE COMMUNAUTÉ
Warshaw, c’est ainsi qu’on nomme, en anglais, la ville polonaise de Varsovie, non ? Pas tout à fait ! L’orthographe exacte est « Warsaw ». Une erreur phonétique s’est gracieusement faufilée dans la bannière du magasin qui a porté ce nom, fondé par une famille juive polonaise arrivée ici au début du XXe siècle. Elle rejoint une importante communauté juive ashkénaze d’Europe de l’Est arrivée à Montréal vers 1850 en fuyant les persécutions en Russie. Cette communauté s’installe le long du boulevard Saint-Laurent, et des traces de son passage sont encore visibles dans certains bâtiments, dont plusieurs anciennes synagogues reconverties, dans le Mile End, notamment. Au tournant du XXe siècle, la troisième langue la plus parlée à Montréal est d’ailleurs le Yiddish. Les nouveaux immigrants qui arrivent d’Europe de l’Est apportent une langue différente, des pratiques rituelles spécifiques et des traditions culinaires distinctes… aujourd’hui adoptées par les Montréalais ! Qui se passerait, en effet, du smoked meat et des bagels ?
2 UNE FAMILLE AU TRAVAIL
La famille Levy s’occupe du Warshaw depuis sa fondation, en 1935. Situé au même endroit depuis ses débuts, le St. Lawrence Bargain Fruit Market n’occupait d’abord qu’un seul bâtiment, et prend vite le nom de Warshaw. La femme d’affaires avisée qu’est « Mme Warshaw », Laja Florkevitch de son vrai nom, a tôt fait d’acheter le magasin voisin. La petite fruiterie se dote d’une épicerie, en 1958. Tout acheter en un seul lieu, c’est fort pratique ! Le commerce est situé dans un lieu névralgique, les affaires marchent bien. La fille de Laja, Helen Levy, achète les commerces environnants et fait table rase, en 1964, en reconstruisant tout le terrain pour un immense magasin tout neuf. Justement, nos images montrent le jour de l’ouverture du nouveau Warshaw ! La cohue aux caisses en dit long sur l’achalandage et la popularité du magasin, mais monsieur Louis Levy et son fils Harvey, à gauche et à droite des caisses, un oeillet blanc à leurs boutonnières, veillent à la bonne marche des opérations.
3 FAIRE SES COURSES AU WARSHAW
Ceux qui n’ont pas connu le mythique magasin doivent se demander ce qu’il avait de particulier. La foule endimanchée qui fait la queue lors de la grande réouverture donne déjà l’indice de l’ampleur de l’événement. On se fait beau pour l’occasion ! Les bons prix du Warshaw et la fraîcheur des fruits et légumes sont connus de tout le Plateau Mont-Royal, à l’époque. C’est aussi le lieu ou plusieurs communautés se croisent. Les affiches bilingues s’adressent à tous, et son immense enseigne lumineuse, aujourd’hui conservée à l’Université Concordia, est un point de repère important du boulevard Saint-Laurent. Elle est si typique qu’on la voit même dans des films ! Jusque dans les années 2000 (le magasin a fermé en 2002), on y entre pour du lait et des oranges, et on en sort avec un tapis, une poêle à frire et une plante de salon !
Le marché aux allures de caverne d’Ali Baba équipe tout le quartier et lui fait découvrir des produits nouveaux.