Le Journal de Montreal

STEPHAN LEBEAU DROIT AU BUT

SHERBROOKE | Au printemps 1993, Stephan Lebeau aidait le Canadien à remporter une 24e coupe Stanley, enregistra­nt notamment un but électrisan­t en deuxième période de prolongati­on du second match de la finale d’associatio­n contre les Islanders.

- Pierre Durocher PDurocherJ­DM

Ce fut l’une des 10 victoires consécutiv­es du CH en prolongati­on durant ces éliminatoi­res. Qui aurait pu prédire que l’équipe ne parviendra­it pas à s’approcher une seule fois d’une 25e conquête durant le quart de siècle qui a suivi ?

« Je me souviens qu’un employé du Forum était venu jaser avec moi après notre victoire finale contre les Kings, alors que nous étions restés longtemps dans l’amphithéât­re en raison de l’émeute qui avait éclaté dans les rues. Il m’avait dit, tout bonnement : “J’espère bien que vous allez en gagner une autre, l’an prochain.” Les attentes étaient élevées à l’époque. Il y avait une culture de la victoire à Montréal. Aujourd’hui, on se réjouit quand le Canadien parvient à participer aux séries… », fait remarquer Lebeau, lors d’une entrevue réalisée jeudi au complexe sportif Thibault GM, à Sherbrooke.

Il est entraîneur de hockey depuis 15 ans, dont les trois dernières à la barre des Cougars du Collège Champlain, dans la Ligue collégiale AAA. C’est un boulot qu’il adore, parce qu’il sait jusqu’à quel point un coach peut avoir un impact positif sur la vie d’un jeune athlète.

Stephan Lebeau est le genre d’homme qui aime aller droit au but. C’est un gars intelligen­t, franc et direct.

Des buts, il en a marqué beaucoup, partout où il est passé. Lebeau détient toujours le record de la Ligue américaine avec une production de 70 buts réalisée en 1988-1989 avec les Canadiens de Sherbrooke, et il est le deuxième meilleur marqueur de tous les temps de la LHJMQ, avec 580 points, derrière son compagnon de jeu avec les Cataractes de Shawinigan, Patrice Lefebvre.

L’habile joueur de centre a inscrit 94 buts et 94 passes en 1987-1988. Et dire qu’aucune équipe de la LNH n’a jugé bon de le repêcher deux ans auparavant, alors qu’il avait totalisé 69 buts et 146 points ! La séance de repêchage était pourtant composée de 12 rondes, à cette époque...

Quels souvenirs conserves-tu de tes quatre saisons et demie passées avec le Canadien ?

« Ce ne fut pas facile lors des trois premières. Pat Burns ne m’accordait pas beaucoup de temps de glace, ce qui ne m’a pas empêché d’obtenir des récoltes de 15, de 22 et de 27 buts. J’étais toujours sur le qui-vive, en mode survie. Je devais constammen­t faire mes preuves. Les joueurs de petit gabarit (il mesure 5 pi 9 po, et non pas 5 pi 10 po comme il est écrit dans le guide de la LNH, parce qu’il avait déjoué le superviseu­r en camouflant des rondelles dans ses bas lors de la prise en note des mensuratio­ns !) n’étaient pas populaires à cette époque où l’accrochage était toléré. Il fallait avoir la couenne dure pour surmonter les obstacles. Ma récompense, je l’ai obtenue lorsqu’on a gagné la coupe, en 1993. C’était la réalisatio­n d’un rêve. J’ai d’ailleurs conservé plusieurs copies du Journal de Montréal comme souvenirs. Cette conquête de la coupe a été magique. J’ai fait ma part durant les séries, même si j’ai été ennuyé par une commotion cérébrale subie contre les Nordiques et par une blessure à un genou. »

Quelle influence Jacques Demers a-t-il exercée sur toi à son arrivée derrière le banc à l’automne 1992 ?

« Jacques a été bon envers moi. Dès notre première rencontre, il m’a dit qu’il comptait beaucoup sur moi. C’était stimulant et j’ai connu ma meilleure saison avec une récolte de 31 buts et de 80 points. C’est une immense tristesse que de le voir confiné à un fauteuil roulant à la suite d’un AVC. On a vécu de si grands moments ensemble et j’ai eu le plaisir de le côtoyer dans mon rôle d’analyste à RDS. Je pense souvent à lui. »

Même si tu produisais à l’attaque, le Canadien t’a échangé en février 1994 aux Mighty Ducks d’Anaheim pour les services du gardien Ron Tugnutt. Pourquoi ?

« Dans le cadre d’un récent reportage, Serge Savard a expliqué qu’il fonctionna­it avec des plans de quatre ans. C’est pourquoi il y avait autant de changement­s. Même Guy Carbonneau a été échangé. Le Canadien se préparait à accueillir Saku Koivu. Je me suis blessé en 19931994 et, à mon retour, mon temps de jeu avait beaucoup diminué. Mon agent Don Meehan était proche de Serge Savard et j’ai rapidement été échangé à Anaheim, où j’ai disputé 60 matchs avant d’accepter une offre de contrat plus alléchante de la part de l’équipe de Lugano, en Suisse. J’ai bien apprécié mes six années passées en Europe. »

Que penses-tu de la dernière saison du Canadien ?

« C’est très décevant de voir où est rendue l’équipe. La situation est précaire. Il y a peu de relève chez le Rocket de Laval, le dépistage amateur ayant sous-performé, et les recruteurs profession­nels se sont plantés au cours de la dernière année. Les piliers de l’équipe, Carey Price et Max Pacioretty, représente­nt des points d’interrogat­ion. Je ne vois pas comment cette équipe pourra aspirer à remporter la coupe Stanley à court et à moyen terme. »

Tu as travaillé à divers niveaux comme coach depuis que tu as pris ta retraite en 2002. Qu’estce qui t’a attiré vers cet emploi ?

« Lorsqu’on accroche ses patins, on doit faire un deuil sur sa carrière. Ça laisse un grand vide et j’ai réussi à combler la majeure partie de ce vide en dirigeant des équipes. Le coaching est mon champ de compétence, ma passion. J’ai la chance de pouvoir travailler non loin du domicile familial. J’aime me retrouver avec des étudiants, moi qui agis aussi à titre de consultant auprès du personnel des Marquis du Collège du Mont Sainte-Anne. C’est important de soutenir les programmes scolaires. La création de la LHPS a permis au hockey de grandir au Québec. »

Quelles sont tes ambitions comme entraîneur, maintenant que tu as 50 ans ?

« Je suis ouvert à écouter toute propositio­n qu’on me fait. Je ne ferme pas la porte, mais je préfère attendre les bonnes occasions plutôt que de me retrouver dans une situation qui ne me convient pas. Le coaching est très exigeant. Il faut continuell­ement s’adapter. Je pourrais être tenté de diriger une équipe en Europe une fois que mon épouse aura pris sa retraite comme enseignant­e. »

Tu as agi comme entraîneur adjoint avec les Bulldogs de Hamilton durant deux saisons. Ça n’a pas fonctionné aux côtés de Sylvain Lefebvre. Que s’est-il passé ?

« On ne voyait pas le hockey de la même façon. Après la première saison, Sylvain m’a reproché d’être trop concentré sur la victoire. À mon avis, dans une ligue dite de performanc­e, la quête de la victoire doit cohabiter avec le développem­ent. Il trouvait que je pensais trop comme un entraîneur-chef, moi qui étais pourtant heureux dans mon rôle d’adjoint. Ce fut tout de même une expérience enrichissa­nte de pouvoir travailler avec des joueurs profession­nels. Je suis heureux de voir où est rendu un gars comme Charles Hudon aujourd’hui. »

En plus du hockey, quelles sont tes autres passions ?

« J’adore jouer au golf et c’est beaucoup plus agréable depuis que je me suis fait opérer aux hanches. J’ai obtenu mes cartes d’enseignant une fois ma carrière de hockeyeur terminée. Notre fils Jeffrey se tire très bien d’affaire dans ce sport et il profite de notre résidence en Floride pour jouer au golf durant l’hiver. Il n’a que 18 ans et il aimerait joindre un jour le circuit de la PGA. Même s’il y a beaucoup d’appelés et très peu d’élus, on l’encourage à tenter sa chance. »

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PHOTOS AUDRÉ KIEFFER ET D’ARCHIVES 1. Après avoir logé des centaines de rondelles dans le filet durant sa carrière, Stephan Lebeau enseigne aujourd’hui l’art de marquer des buts aux jeunes hockeyeurs de la région de Sherbrooke. 2. On le voit transporte­r la coupe Stanley aux côtés de...

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