« PETITE MAFIA » À TERREBONNE
Pots-de-vin de centaines de milliers de dollars Ristournes de 3 à 5 % Voyages à 1400 $ par jour Piscine creusée et plan de maison sur le bras d’entrepreneurs
L’ex-maire de Terrebonne Jean-Marc Robitaille et sa bande, arrêtés en mars dernier, auraient reçu des centaines de milliers de dollars comptants en pots-de-vin de la part d’entrepreneurs qui faisaient affaire avec la Ville. Un des participants au stratagème allégué parle même d’une « petite mafia ».
De nouveaux documents policiers obtenus par notre Bureau d’enquête révèlent l’ampleur de la corruption alléguée, qui ne se limiterait pas seulement aux voyages, aux billets de spectacles et aux rénovations du chalet du maire.
Ainsi, l’octroi de nombreux contrats publics dans cette ville de la Rive-Nord se serait monnayé contre une ristourne de 3 à 5 % sur la valeur des ententes, remise à l’hôtel de ville sur le bureau de l’ancien chef de cabinet du maire, Daniel Bélec.
C’est la première fois qu’une enquête de l’Unité permanente anticorruption (UPAC) fait état de ristournes aussi élevées dans une municipalité. Par comparaison, à Montréal, l’ex-collecteur de fonds du maire Gérald Tremblay était surnommé « monsieur 3 % », tandis qu’à Laval, l’ex-maire Gilles Vaillancourt a été envoyé en taule pour avoir exigé des pots-de-vin de 2 %.
IL DONNE 174 000 $
À Terrebonne, l’entrepreneur Richard Tessier, spécialisé dans l’installation de modules de jeux pour les parcs, a avoué à la police qu’il avait remis à lui seul pas moins de 174 000 $, entre 2000 et 2011.
C’est Daniel Bélec qui aurait mis cartes sur table dès 2001, à la suite de la fusion des villes de Terrebonne, Lachenaie et La Plaine (dont il était le maire jusque-là).
« Lors d’une discussion, par ses propos, Daniel Bélec lui a fait comprendre, en parlant des “règles du jeu”, que la façon de faire avait changé et qu’il devrait désormais lui donner de l’argent en lien avec les contrats », ont noté les enquêteurs de l’UPAC après une de leurs rencontres avec Tessier.
M. Bélec aurait alors exigé une ristourne de 5 %. En échange, lorsque la Ville lançait un appel d’offres, elle exigeait les produits de la firme de Tessier.
Pour récupérer les sommes qu’il devait remettre au chef de cabinet, Tessier a simplement augmenté les prix des fournitures qu’il vendait à la Ville, faisant passer sa marge de profits de 20 à 25 %.
Un autre entrepreneur qui s’est mis à table, Paul-Émile Beaudry, a affirmé avoir remis une enveloppe de 21 000 $ à M. Bélec, vers 2005 ou 2006.
COMPTES BANCAIRES
En plus de l’argent comptant, les ténors de l’administration Robitaille auraient reçu d’autres privilèges inusités, comme l’excavation d’une piscine ou des services d’architectes (voir ci-contre).
Les documents que nous avons consultés montrent que l’UPAC tente de comprendre comment aurait été dépensée cette véritable fortune. En plus de multiples perquisitions, ils ont eu recours aux services du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) pour scruter quatre comptes bancaires appartenant à M. Bélec et sa conjointe.
« Entre le 21 mai 2004 et le 30 novembre 2010, Daniel Bélec a effectué des dépôts en argent comptant pour un total de 140 000 $. Ces dépôts sont considérés comme transactions bancaires douteuses selon l’organisme CANAFE », lit-on dans les documents d’enquête.
Les enquêteurs ont également émis des doutes sur trois dépôts en espèces totalisant 11 940 $ et effectués en une seule journée par la conjointe de M. Bélec.
– Avec la collaboration de Claudia Berthiaume