Sa tendinite était en fait une fracture
Une femme de la Rive-Nord devra se faire enlever des os du poignet à cause d’un mauvais diagnostic
Une femme dont la fracture au poignet a été mal diagnostiquée il y a plus de trois ans est en colère parce qu’elle devra maintenant subir une chirurgie qui va raccourcir son avant-bras.
« Quand tu vas à l’urgence, c’est parce que tu as confiance d’avoir le bon diagnostic et non de partir de là avec une fracture sans que personne ne le sache, de souffrir le martyre pendant trois ans et d’avoir une vie de merde parce que tu ne peux plus travailler », rage Nancy Alarie, âgée de 55 ans et vivant sur la Rive-Nord.
Les deux médecins qui l’avaient examinée en octobre 2014 après un accident de travail avaient été catégoriques : elle n’avait qu’une tendinite. Mais après des mois de douleurs, elle a consulté une autre clinique. Trois examens et deux ans et demi plus tard, le verdict est tombé : os fracturé et ligament déchiré.
« J’ai pleuré, parce que tout ce temps-là j’ai pensé que j’étais folle, que c’était dans ma tête. Mais je le savais que j’avais mal », lance-t-elle, la voix étouffée.
« Ça me réveille la nuit, ça m’élance jusque dans l’épaule », poursuit-elle.
1 CM EN MOINS
Son état s’est tellement détérioré, qu’un os triangulaire au centre de son poignet est nécrosé et devra être retiré, en plus de deux autres chaque côté. Le plasticien lui a dit qu’après l’opération, elle n’aura presque plus de flexibilité. En enlevant l’os, elle perdra près d’un centimètre de son avant-bras.
« Ça me fâche et il ne faut plus que ça arrive », dénonce Mme Alarie, qui a signalé sa mésaventure au commissaire aux plaintes du Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) des Laurentides et qui compte poursuivre les médecins.
Sans commenter un cas en particulier, la porte-parole du CISSS des Laurentides, Myriam Sabourin, dit que les radiographies ne sont pas prescrites automatiquement, mais relève de l’évaluation du médecin.
Elle ajoute que les patients qui voient leur état stagner doivent consulter de nouveau, ce que Mme Alarie avait pourtant tenté de faire.
DÉCHARGER DES BOÎTES
La femme de Saint-Joseph-du-Lac travaillait depuis 20 ans dans un entrepôt à décharger des cargaisons de semi-remorques. Le 23 octobre 2014, elle a tenté de prendre une boîte située au-dessus de sa tête, qui a glissé et dont tout le poids s’est appuyé sur son poignet.
Ayant ressenti une douleur intense, elle s’est d’abord rendue à l’urgence de l’Hôpital de Saint-Eustache où l’infirmière au triage lui a plutôt dit de se rendre à une clinique externe, raconte-t-elle. Là-bas, deux médecins ont tâté son poignet et conclu qu’il s’agissait d’une tendinite, sans l’envoyer faire une radiographie, dit-elle.
Malgré les anti-inflammatoires, ses douleurs ont persisté. Elle est retournée à l’urgence deux mois plus tard, où l’infirmière au triage lui a dit qu’une tendinite pouvait prendre plusieurs mois à guérir et elle est rentrée chez elle.
Toujours souffrante, Nancy Alarie s’est rendue dans une clinique de Laval en juillet 2015. Au cours des mois suivants, elle a subi une radiographie, un électromyogramme et une imagerie par résonance magnétique pour confirmer la fracture.
SANS EMPLOI
À cause de sa blessure, elle est sans emploi depuis trois ans. Elle déplore qu’elle n’ait même pas pu recevoir une indemnisation de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) puisque la tendinite n’est pas couverte. Elle souligne que, lorsqu’elle a recontacté la CNESST après avoir eu son diagnostic, on lui a dit qu’elle était hors délais, car sa blessure était trop vieille.
Pour le président de l’Association d’orthopédie du Québec, le Dr Robert Turcotte, le cas de Nancy Alarie est « inhabituel ».
Il explique que puisque la femme faisait un travail répétitif utilisant ses poignets en déchargeant des boîtes, il n’est pas étonnant que des médecins aient pu penser qu’elle souffrait d’une tendinite.
Spécialiste des chirurgies de la main, le Dr Sylvain Gagnon dit que les fractures dans les petits os du poignet restent difficiles à diagnostiquer et qu’il est fréquent dans sa pratique de découvrir des fractures beaucoup plus tard.