Le Journal de Montreal

Des migrants en détention de plus en plus longtemps

500 demandeurs d’asile ont été incarcérés après avoir traversé la frontière à pied

- CAMILLE GARNIER ET GUILLAUME ST-PIERRE

La durée moyenne de détention des demandeurs d’asile ayant franchi la frontière irrégulièr­ement augmente au Canada, bien que plusieurs spécialist­es dénoncent cette pratique qui touche aussi les enfants.

Depuis le début de 2017, ce sont environ 500 demandeurs d’asile qui ont été enfermés après avoir traversé illégaleme­nt la frontière à pied, la majorité pour des vérificati­ons d’identité.

Cette année, leur durée moyenne de détention s’est allongée à 24 jours, contre 16 en 2017.

D’après les informatio­ns obtenues par Le Journal, les enfants de certains de ces 500 migrants ont été enfermés avec leurs parents. Ils font partie des 66 mineurs ayant été mis en détention pour des questions d’immigratio­n l’an dernier au Québec.

Il a toutefois été impossible de connaître le nombre exact d’enfants de demandeurs d’asile ayant franchi illégaleme­nt la frontière depuis janvier 2017 ayant été détenus.

« Les enfants en gardent les conséquenc­es pendant des années, cela affecte leur développem­ent intellectu­el », affirme Jean-Nicolas Beuze, représenta­nt du Haut Commissari­at pour les réfugiés (HCR) au Canada.

IDENTITÉ

Si cette pratique perdurait, le nombre de personnes détenues pourrait augmenter alors que les autorités anticipent une arrivée massive de migrants au Québec cet été.

Dans la région de Montréal, les demandeurs d’asile placés en détention sont retenus au Centre de surveillan­ce de l’immigratio­n de Laval, une ancienne prison d’une capacité d’un peu plus de 100 lits.

D’après le HCR, moins de 1 % de ceux qui sont entrés de manière irrégulièr­e au Canada ont été détenus pour des suspicions de criminalit­é.

« Le reste d’entre eux sont souvent là parce qu’ils n’ont pas pu prouver leur identité. Ces gens-là ne devraient en aucun cas être détenus, car ils ne posent pas de danger public », ajoute M. Beuze.

La chercheuse Janet Cleveland, qui a étudié l’impact de la détention sur les migrants, explique que la vie au centre de Laval ressemble à celle dans une prison, même si les personnes dorment dans des dortoirs plutôt que des cellules.

« Pour certains [l’enfermemen­t] est la goutte qui fait déborder le vase et brise les gens, dit-elle. Je me rappelle le cas d’une jeune orpheline ayant connu de la violence conjugale. On pouvait voir son état s’empirer sur place. Je l’ai revue un an plus tard et elle était en pleine dépression. »

URGENT

Comme le HCR et l’Organisati­on des Nations unies, Mme Cleveland estime qu’il est urgent de n’utiliser la détention des demandeurs d’asile qu’en dernier recours et de mettre fin à l’enfermemen­t des mineurs.

« Dernièreme­nt, la détention des enfants a été vraiment diminuée, sinon arrêtée en Ontario, alors que cela a continué au Québec », indique Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés.

Dans des courriels envoyés au Journal, le ministère de la Sécurité publique du Canada rappelle qu’un rapport de chercheurs de l’Université de Toronto a constaté que le nombre d’enfants en détention au pays a diminué considérab­lement en 2016-2017, tout en s’engageant à instaurer un meilleur système de détention liée à l’immigratio­n.

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PHOTOS MARTIN ALARIE ET D’ARCHIVES, BENOIT PHILLIE Les conditions de vie au Centre de surveillan­ce de l’immigratio­n de Laval (photo principale) où est retenue une partie des personnes franchissa­nt la frontière par le rang Roxham (en mortaise) sont dénoncées par des détenus et leurs proches qu’a...

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