Ottawa envoie un message contradictoire
OTTAWA | Le fédéral investit 56 millions $ pour construire un nouveau centre de détention des immigrants plus grand à Laval, faisant craindre que cette pratique controversée augmente au moment où de plus en plus de demandeurs d’asile cognent à nos portes.
« La détention aux fins de l’immigration demeure un outil nécessaire pour appliquer la loi », se défend l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) par la voix d’un porte-parole.
Ottawa a annoncé un plan de 138 M$ l’an dernier pour « améliorer et minimiser la détention d’immigrés ». Un des volets consiste à construire un bâtiment plus adapté à Laval pour détenir les demandeurs d’asile. L’édifice doit ouvrir ses postes en 2021 et son aspect promet d’être différent du centre actuel, selon l’ASFC.
Celui-ci, avec ses clôtures en barbelés et ses 109 lits, ressemble davantage à une prison.
« On doit minimiser l’apparence institutionnelle des installations », explique un porte-parole du ministre de la Sécurité publique du Canada, Ralph Goodale.
Le nouveau centre de 133 lits devrait être « plus confortable pour les mineurs » et comprendra une « aire de jeu intérieure et des structures de jeu à l’extérieur ». Des salles de classe et des chambres « conçues pour accueillir les familles » seront aussi aménagées dans l’édifice de 5200 m2.
CRAINTES
De nombreux intervenants voient dans la construction d’un nouveau centre un message contradictoire, alors qu’Ottawa dit être à la recherche de solutions pour éviter la détention. Ils se réjouissent néanmoins de la fermeture de l’ancien centre, complètement vétuste.
« Ça manque de cohérence, déplore le criminologue Jean-Claude Bernheim. Les personnes qui gèrent les détentions et ceux qui planifient des mesures moins contrôlantes ne semblent pas travailler ensemble. »
Delphine Nakache, professeure agrégée en développement international à l’Université d’Ottawa, s’inquiète d’un recours plus fréquent à la détention au moment où le gouvernement Trudeau cherche à trouver des moyens légaux de refouler les migrants à la frontière.
« Je vais donner la chance au coureur, mais la tendance est inquiétante », dit-elle.
PLAN B CRITIQUÉ
Ottawa promet de mettre en place des « solutions de rechange » à la détention au cours des prochains mois. Certaines solutions, toutefois, font sourciller divers experts. Le fédéral envisage entre autres de suivre à la trace les demandeurs d’asile en ayant recours à « plus d’outils de surveillance électronique », comme les « GPS, à titre d’essai ».
Pour Mme Nakache, ceci est préférable à la détention, mais elle demeure « extrêmement intrusive ». Elle rappelle aussi que la détention est l’option la plus coûteuse pour les contribuables.
Le ministre responsable du dossier, Marc Garneau, a déclaré hier qu’environ 90 % des migrants irréguliers à la frontière ne remplissent pas les critères pour faire une demande d’asile et devront quitter le pays. On a aussi annoncé l’envoi de trois agents fédéraux au Nigeria afin de contrôler avec les autorités américaines les visas accordés pour les États-Unis.