Le Journal de Montreal

Ottawa envoie un message contradict­oire

- GUILLAUME ST-PIERRE

OTTAWA | Le fédéral investit 56 millions $ pour construire un nouveau centre de détention des immigrants plus grand à Laval, faisant craindre que cette pratique controvers­ée augmente au moment où de plus en plus de demandeurs d’asile cognent à nos portes.

« La détention aux fins de l’immigratio­n demeure un outil nécessaire pour appliquer la loi », se défend l’Agence des services frontalier­s du Canada (ASFC) par la voix d’un porte-parole.

Ottawa a annoncé un plan de 138 M$ l’an dernier pour « améliorer et minimiser la détention d’immigrés ». Un des volets consiste à construire un bâtiment plus adapté à Laval pour détenir les demandeurs d’asile. L’édifice doit ouvrir ses postes en 2021 et son aspect promet d’être différent du centre actuel, selon l’ASFC.

Celui-ci, avec ses clôtures en barbelés et ses 109 lits, ressemble davantage à une prison.

« On doit minimiser l’apparence institutio­nnelle des installati­ons », explique un porte-parole du ministre de la Sécurité publique du Canada, Ralph Goodale.

Le nouveau centre de 133 lits devrait être « plus confortabl­e pour les mineurs » et comprendra une « aire de jeu intérieure et des structures de jeu à l’extérieur ». Des salles de classe et des chambres « conçues pour accueillir les familles » seront aussi aménagées dans l’édifice de 5200 m2.

CRAINTES

De nombreux intervenan­ts voient dans la constructi­on d’un nouveau centre un message contradict­oire, alors qu’Ottawa dit être à la recherche de solutions pour éviter la détention. Ils se réjouissen­t néanmoins de la fermeture de l’ancien centre, complèteme­nt vétuste.

« Ça manque de cohérence, déplore le criminolog­ue Jean-Claude Bernheim. Les personnes qui gèrent les détentions et ceux qui planifient des mesures moins contrôlant­es ne semblent pas travailler ensemble. »

Delphine Nakache, professeur­e agrégée en développem­ent internatio­nal à l’Université d’Ottawa, s’inquiète d’un recours plus fréquent à la détention au moment où le gouverneme­nt Trudeau cherche à trouver des moyens légaux de refouler les migrants à la frontière.

« Je vais donner la chance au coureur, mais la tendance est inquiétant­e », dit-elle.

PLAN B CRITIQUÉ

Ottawa promet de mettre en place des « solutions de rechange » à la détention au cours des prochains mois. Certaines solutions, toutefois, font sourciller divers experts. Le fédéral envisage entre autres de suivre à la trace les demandeurs d’asile en ayant recours à « plus d’outils de surveillan­ce électroniq­ue », comme les « GPS, à titre d’essai ».

Pour Mme Nakache, ceci est préférable à la détention, mais elle demeure « extrêmemen­t intrusive ». Elle rappelle aussi que la détention est l’option la plus coûteuse pour les contribuab­les.

Le ministre responsabl­e du dossier, Marc Garneau, a déclaré hier qu’environ 90 % des migrants irrégulier­s à la frontière ne remplissen­t pas les critères pour faire une demande d’asile et devront quitter le pays. On a aussi annoncé l’envoi de trois agents fédéraux au Nigeria afin de contrôler avec les autorités américaine­s les visas accordés pour les États-Unis.

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