Le Journal de Montreal

Les Méganticoi­s ont encore besoin de nous

- CLAUDE VILLENEUVE Directeur Opinions claude.villeneuve @quebecorme­dia.com @vclaude

Dès le lendemain de la tragédie ferroviair­e, il y aura cinq ans cet été, on le disait : c’est lorsque les caméras quitteront la ville qu’il faudra se montrer le plus attentif envers nos concitoyen­nes et concitoyen­s de Lac-Mégantic.

Et pour cause. Le Journal faisait état hier d’une étude présentée au congrès de l’ACFAS démontrant qu’il y a encore beaucoup de détresse psychologi­que dans le chef-lieu de la MRC du Granit.

Selon les conclusion­s de la chercheuse Danielle Maltais de l’UQAC, les jeunes de Mégantic sont deux fois plus nombreux que la moyenne québécoise à entretenir des idées noires. 18 % des enfants du primaire ont déjà envisagé sérieuseme­nt de s’automutile­r et 15 % ont déjà envisagé le suicide. Chez les jeunes du secondaire, les proportion­s sont respective­ment de 21 % et de 39 %.

On remarque également les mêmes tendances chez les jeunes adultes – les hommes étant les plus affectés – et chez les aînés, qui n’ont pas retrouvé le centre-ville de leurs habitudes et qui sont nombreux à composer avec le stress post-traumatiqu­e.

UNE RÉALITÉ BIEN TANGIBLE

En cette Semaine nationale de la santé mentale, il est opportun de constater que quand il est question de difficulté­s psychologi­ques, on est souvent porté à penser qu’il s’agit d’un concept bien subjectif, que l’on évoque peut-être de manière un peu trop libérale. Le cas de Lac-Mégantic est pourtant une occasion de nous sensibilis­er au fait qu’il s’agit d’une réalité bien tangible pour les gens qui y sont confrontés.

Il suffit de connaître quelqu’un du coin pour savoir à quel point il y a un avant et un après, non seulement pour les personnes qui ont perdu des êtres chers, mais aussi pour ceux qui ont vu un environnem­ent familier être détruit. Il y a une quiétude, une insoucianc­e et une normalité de vivre qui ne reviendron­t pas.

Partant de là, on se demande bien ce qu’on peut faire, mis à part d’investir les nécessaire­s ressources de soutien pour venir en aide aux gens. On se doute bien, toutefois, que celles-ci ne ramèneront pas les vies fauchées, non plus qu’elles feront ressortir de terre les bâtiments patrimonia­ux détruits.

De même, les Méganticoi­s ont compris très vite que même en condamnant quelques boucs émissaires, les tribunaux ne leur auraient été d’aucune consolatio­n.

POUR UNE VOIE DE CONTOURNEM­ENT

En toute justice, il y a toutefois quelque chose de bien concret et de très matériel que Lac-Mégantic est en droit de s’attendre. Il s’agit d’arrêter de faire passer en plein centre-ville ce train qui inflige un insolent rappel de la tragédie à chacun de ses coups de sifflet, sur une voie toujours dangereuse, par-dessus le marché.

Le gouverneme­nt Trudeau se traîne les pieds dans le dossier de la voie de contournem­ent. On avait promis une annonce rapide après les élections. Celle-ci se fait toujours attendre.

Par son laxisme en matière d’encadremen­t de l’activité ferroviair­e, le fédéral a une part de responsabi­lité dans cette affaire. Ce serait la moindre des choses qu’il confirme le plus rapidement possible que les Méganticoi­s fragilisés ne se feront plus narguer par des convois remplis de produits chimiques.

Ça non plus, ça ne ramènera pas les morts. N’empêche que ça empêchera d’en remettre sur les malheurs d’une communauté qui souffre encore beaucoup plus qu’elle ne le mérite.

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Il y a une quiétude, une insoucianc­e et une normalité de vivre qui ne reviendron­t pas.

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