Le Journal de Montreal

Des questions pour La Presse

- RICHARD MARTINEAU

Le pavé dans la mare jeté par la famille Desmarais avant-hier continue de faire des vagues.

Voici d’ailleurs quelques questions que je me pose au sujet de la transforma­tion du quotidien de la rue Saint-Jacques en organisme de bienfaisan­ce vivant de dons et de subvention­s…

UNE PRIME À L’INCOMPÉTEN­CE

1) Chaque fois qu’on parle de la SAQ, on demande toujours : « Mais qu’est-ce que l’État fait dans la business de la vente au détail ? Est-ce que ça fait vraiment partie de sa mission ? »

De même, on peut se poser la question : « Mais qu’est-ce que l’État vient faire dans le journalism­e ? »

2) Si Alexandre Taillefer, pour ne nommer qu’un philanthro­pe, décide de verser des millions dans la fiducie qui va diriger La Presse, les journalist­es de La Presse se sentiront-ils libres de critiquer Téo Taxi ?

Et dans la population, ce don ne risque-t-il pas d’être perçu comme une police d’assurance – je verse de l’argent dans votre fiducie et vos journalist­es me foutent la paix ?

3) Il y a une différence entre recevoir des subvention­s de l’État (la plupart des entreprise­s québécoise­s en reçoivent) et vivre exclusivem­ent de subvention­s et de dons.

La formule OSBL ne rend-elle pas les médias trop dépendants des autorités qu’ils sont censés critiquer ?

4) Pourquoi l’État récompense­rait des entreprise­s qui ont pris de mauvaises décisions et qui se sont plantées, plutôt que des entreprise­s qui se sont adaptées, qui ont pris de sages décisions d’affaires et qui ont fait ce qu’il fallait faire pour survivre et prospérer ?

N’est-ce pas une prime à l’incompéten­ce ?

LE DESIGN DES CHAISES LONGUES

5) La Presse deviendra un OSBL, soit.

Mais ses employés continuero­nt-ils à recevoir les mêmes salaires et à bénéficier des mêmes conditions de travail qu’ils avaient quand ils travaillai­ent pour une entreprise milliardai­re comme Power Corporatio­n ?

Comment l’État va-t-il justifier que monsieur Poitras qui gagne 50 000 $ par année paie des taxes et des impôts pour qu’un journalist­e qui oeuvre au sein d’un OSBL en gagne 100 000 $ ?

Tu ne peux pas travailler dans un OSBL et avoir les mêmes conditions qu’un employé qui travaille pour Power Corporatio­n...

6) L’État ne pourrait-il pas dire : « On vous donne des subvention­s récurrente­s pour vous maintenir en vie, mais vous devrez en contrepart­ie faire du ménage dans vos finances et gérer vos affaires de façon un peu plus serrée ?

« Ce n’est pas vrai qu’on va vous subvention­ner pour que vous permettiez à une journalist­e de passer une semaine en Scandinavi­e pour faire un reportage sur le nouveau design des chaises longues… »

Bref, attacher les subvention­s à certaines conditions ? Des garanties de gestion responsabl­e ?

DE NON LUCRATIF À LUCRATIF ?

7) Est-ce possible que dans deux ans, l’OSBL La Presse ait la langue à terre et qu’un entreprene­ur comme Graeme Roustan ramasse le journal pour une bouchée de pain, afin de le transforme­r à nouveau en entreprise privée à but lucratif – avec le retour d’une édition papier ?

Ça serait une bonne nouvelle pour les employés…

8) Les directeurs de La Presse disent qu’il n’y aura pas de pertes d’emploi. Quelqu’un croit ça, sérieuseme­nt ?

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Travailler dans un OSBL à 100 000 $ par année ?
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