Le Journal de Montreal

Le nombre de cyberpédop­hiles arrêtés à Montréal explose

- MARIE-CHRISTINE NOËL ET NINON PEDNAULT

Les arrestatio­ns pour pornograph­ie juvénile ont explosé depuis six ans à Montréal, grâce aux dénonciate­urs qui sont de plus en plus nombreux, constate la police.

Une fillette de 6 ans confie à sa monitrice de camp de jour qu’elle déteste être prise en photo. Raison invoquée : un ami de la famille lui demande parfois de poser et elle « n’aime pas ça ». Les proches de l’enfant prennent la chose avec un grain de sel, mais pas la police.

Résultat : les enquêteurs mettent la main sur une minuscule carte SD cachée dans le tiroir de l’homme, ce qui permettra de retracer quatre autres victimes d’abus sexuels, dont une petite fille de 2 ans.

De telles histoires bouleverse­nt le commun des mortels, mais constituen­t le quotidien des enquêteurs de l’Unité d’exploitati­on sexuelle des enfants du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Ceux-ci ont permis à l’équipe numérique de notre Bureau d’enquête de vivre une incursion dans leur univers.

125 ARRESTATIO­NS

Nous y avons appris que cette unité a épinglé 125 personnes l’an dernier, soit une augmentati­on de 131 % par rapport aux 54 arrestatio­ns de 2012. Ces chiffres n’incluent pas les crimes reliés au proxénétis­me, qui relèvent d’une autre unité.

« Il y a environ une à deux arrestatio­ns par semaine », souligne fièrement la sergente-détective Mélodie Leclerc, du SPVM. Contrairem­ent à ce qu’on peut penser, les enquêteurs travaillen­t principale­ment sur le terrain. Ils ne sont pas du tout derrière leur ordinateur.

« Ça s’apparente à une unité comme les gangs de rue. Il y a beaucoup de perquisiti­ons, de travail à l’extérieur, en équipe », compare la sergente-détective de cette unité qui compte une quinzaine de personnes au sein de ses rangs.

Ces chiffres s’expliquera­ient par le nombre plus important de dénonciati­ons dans les dernières années et des effectifs dédiés à l’Unité.

« On fonctionne beaucoup à partir de dénonciati­ons. Il n’y a pas d’enquête en ligne qui est faite par nous. Si on parle de leurre, c’est souvent la victime qui va lever la main », note Mme Leclerc.

DU TRAVAIL DE TERRAIN

À l’échelle du Québec, les signalemen­ts transmis à Cyberaide.ca augmentent d’année en année et comptent à présent pour 21 % du total au Canada.

L’Unité d’exploitati­on sexuelle nous avait donné rendez-vous à l’aube à un poste de police dans l’est de Montréal. Un premier convoi s’est aussitôt mis en route vers le lieu de la perquisiti­on, après un briefing technique.

« Vous devrez rentrer en équipe de quatre », a expliqué la sergente-détective, avant de remettre à ses troupes un document contenant les informatio­ns personnell­es du suspect. Les policiers ont enfilé leur gilet pare-balles avant de partir, mandat en poche. « Soyez prudents ! » a lancé un enquêteur. La perquisiti­on qui devait durer quelques minutes prendra plus de temps que prévu. Le suspect n’était pas sur place, mais quatre individus dormaient dans l’appartemen­t. Un ordinateur a été saisi. Son contenu sera examiné par l’escouade des crimes technologi­ques, qui avait garé son camion devant l’immeuble.

VICTIMES SILENCIEUS­ES

« Après une perquisiti­on, l’escouade débute une micro-analyse pour valider les motifs de pornograph­ie juvénile, par exemple. Même que parfois à la préanalyse, on tombe déjà sur des victimes », explique le sergent-détective Modesto Pompeo.

« Le but ultime, c’est d’identifier des victimes qui sont silencieus­es, souligne Mme Leclerc, citant en exemple un récent dossier. On est partis avec une image d’un quart de seconde d’une vue par la fenêtre où une jeune fille se faisait agresser. De là, on a localisé le bloc où demeurait la victime […] On a pu ensuite retrouver le suspect, faire son arrestatio­n et émettre les chefs d’accusation. »

Les enquêteurs sont formés pour interviewe­r les victimes. Ils accompagne­nt d’ailleurs les jeunes et leurs familles dans leurs démarches judiciaire­s.

« Au niveau de la pornograph­ie juvénile, c’est principale­ment des filles à 80 %, que ce soit vidéos ou photos, indique la sergente-détective Mélodie Leclerc. Au niveau du leurre, c’est environ 50/50 tant les garçons que les filles. »

 ?? PHOTO NINON PEDNAULT ?? Le lieutenant Daniel Bérard (à gauche), de la Division des enquêtes sur l’exploitati­on sexuelle des enfants sur internet de la SQ, et le lieutenant Jean Le Bel, de la Division des enquêtes sur la cybercrimi­nalité, ont coordonné les frappes de cette...
PHOTO NINON PEDNAULT Le lieutenant Daniel Bérard (à gauche), de la Division des enquêtes sur l’exploitati­on sexuelle des enfants sur internet de la SQ, et le lieutenant Jean Le Bel, de la Division des enquêtes sur la cybercrimi­nalité, ont coordonné les frappes de cette...
 ?? PHOTO NINON PEDNAULT ?? Le lieutenant Daniel Bérard a coordonné les différente­s arrestatio­ns d’hier avec Mélanie Boivin, registrair­e de l’opération à la SQ.
PHOTO NINON PEDNAULT Le lieutenant Daniel Bérard a coordonné les différente­s arrestatio­ns d’hier avec Mélanie Boivin, registrair­e de l’opération à la SQ.

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