Couple d’athlètes de force
Après près de vingt ans d’un relâchement de l’intérêt, l’univers des femmes et des hommes forts attire de plus en plus d’adeptes. Rencontre avec Émilie Morin et Antoine Picard-Marchand, deux représentants de cette nouvelle génération d’athlètes forts.
« J’ai toujours été grande et costaude, dit Émilie Morin, 34 ans. Maintenant, j’ai enfin réalisé que j’avais le droit d’être forte. Je me sens sur mon X. »
La femme de 5 pi 10 po découvre son talent un peu par surprise. Elle s’initie au CrossFit, puis se rend compte qu’elle lève des charges aussi lourdes que celles de ses coéquipiers masculins. On l’encourage alors à essayer le powerlifting (dynamophilie), qui l’expose par la bande aux compétitions d’hommes forts, où les premières athlètes féminines professionnelles font enfin leur place.
« J’aime la variété de l’entraînement pour ces compétitions. Maintenant, c’est un mode de vie. Je m’entraîne sept jours sur sept… et on le fait en couple, par chance ! » dit Émilie Morin. À ses côtés, Antoine Picard-Marchand, 32 ans, qui a été champion canadien en 2016.
« Je n’ai jamais été intéressé à m’entraîner pour avoir l’air de ci, ou de cela. J’ai tout de suite eu l’ambition de devenir le plus fort possible », dit l’homme fort.
DU MYTHE À LA DÉMOCRATISATION
« Il y a énormément de préjugés envers les hommes forts, comme si on n’était pas en forme et qu’on ne faisait que manger », dit Émilie Morin.
Une perception qui traîne dans le passé, lorsqu’alors les hommes forts s’imposaient comme des géants à la force naturelle herculéenne, qu’ils développaient sans s’en préoccuper par un quotidien très physique.
Aujourd’hui, le sport s’organise, notamment par la formation de l’Alliance canadienne des athlètes de force amateurs (ACAFA) en 2014, qui permet à tous de se mesurer contre ses semblables.
« Au lieu d’avoir des groupes d’âge, tous les amateurs sont classés dans des catégories de poids. Une jeune femme de 140 lb ne sera pas en compétition contre une autre de 200 lb », explique l’athlète super poids lourd.
« On remarque maintenant beaucoup de petits gars ou de petites filles qui proviennent du CrossFit », dit Antoine, sans ne rien y voir de péjoratif.
C’est que pour passer dans la cour des grands, c’est-à-dire chez les professionnels, la masse devient une arme redoutable.
« Il n’y a plus de catégories de poids rendu aux professionnels : tout le monde contre tout le monde », ajoute l’athlète. Et lorsqu’on doit pousser une charge de 400, 600 ou 800 lb, le poids de son corps devient un levier essentiel.
« On voit souvent des athlètes qui commencent comme des poids légers, puis qui progressent de catégorie en catégorie », dit Émilie Morin, qui y trouve une façon de rendre l’initiation au sport plus accessible.
FORCE, PUISSANCE ET VITESSE
Émilie et Antoine font partie de cette nouvelle génération d’athlètes forts qui ne misent pas que sur le talent ou la génétique : ils travaillent fort, s’entraînant une quinzaine d’heures par semaines.
« Il faut être fort, puissant et rapide, mais il faut aussi avoir du coeur, beaucoup de coeur », dit Antoine. Un soulevé de terre de 712 lb, le record de l’athlète, ne se fait pas sans une tolérance surhumaine à l’inconfort.
« Tout fait mal. Pendant 60 ou 75 secondes, on souffre de partout », précise l’athlète poids lourd.
« Rien n’est jamais fini. Tout est toujours à travailler pour être toujours plus fort », ajoute Émilie, une des deux seules Québécoises ayant été capables de lever une charge de plus de 500 lb au soulevé de terre. Le mental doit aussi être inébranlable. « Des fois, c’est préférable de n’avoir aucune idée de la charge qu’on nous présente en compétition… Autrement, je n’oserais même pas essayer », dit Émilie Morin.
« On lève au feeling », ajoute l’athlète. Un feeling qui doit être dans la limite du supportable, épreuve après épreuve.