Le Journal de Montreal

ENDETTÉE POUR SOIGNER SON CANCER

Coûts trop élevés des stationnem­ents des hôpitaux

- HUGO DUCHAINE

Une Montréalai­se, qui a dû payer jusqu’à 100 $ par semaine en stationnem­ent pour recevoir ses traitement­s contre le cancer, juge épouvantab­les les surplus d’environ 70 millions $ empochés par les hôpitaux et CHSLD l’an dernier avec ces espaces.

« Quand t’es rendue à compter tes 25 cents pour être capable de ressortir de l’hôpital, il n’y a juste pas d’autre issue. Il ne faut pas être malade si tu es pauvre au Québec », déplore Manon Daneau, âgée de 46 ans et en rémission d’un cancer du sein.

Prise à la gorge, elle a lancé une campagne de sociofinan­cement GoFundMe l’an dernier, juste pour payer son stationnem­ent. Elle estime avoir dépensé 3000 $ depuis un an et demi et s’être endettée en repoussant d’autres dépenses.

Les rapports financiers des établissem­ents remis au ministère de la Santé montrent qu’en 2017, les hôpitaux et les centres d’hébergemen­t de soins de longue durée (CHSLD) ont fait des surplus d’environ 70 M$ avec les stationnem­ents. Il s’agit de l’argent qui reste aux établissem­ents une fois que les coûts de gestion et d’entretien sont payés.

Des centres intégrés universita­ires de santé et de services sociaux (CIUSSS) montréalai­s et les centres intégrés de santé et de services sociaux (CISSS) de la Montérégie, de Laval, de Lanaudière et de l’Estrie ont encaissé plus de 3 M$ chacun, par exemple.

L’Alliance du personnel profession­nel et technique de la santé (APTS), qui a compilé ces montants, déplore que les établissem­ents remplissen­t leurs coffres sur le dos des patients et des employés. La présidente, Carolle Dubé, y voit une taxe déguisée.

SOURCE DE STRESS

« C’est un stress absolument épouvantab­le », souffle quant à elle Manon Daneau, même si elle estime avoir reçu d’excellents soins.

Obligée de continuer de travailler pendant ses traitement­s pour subvenir à ses besoins ainsi qu’à ses deux adolescent­es, elle devait chaque semaine mettre de l’argent de côté pour le stationnem­ent d’hôpital.

Elle a tenté d’aller à quelques-uns de ses rendez-vous médicaux à l’Hôpital Maisonneuv­e-Rosemont en transport en commun, mais l’attente et les déplacemen­ts à pied

À LA COURSE

l’épuisaient trop après sa chimiothér­apie. Sa voiture était aussi le meilleur moyen pour ensuite se rendre à son emploi de designer dans un atelier de couture dans l’arrondisse­ment de Saint-Laurent.

Elle déplore d’avoir souvent dû débourser presque autant d’argent pour une heure de stationnem­ent que ce qu’elle gagne comme salaire en une heure.

« Je perds déjà deux heures de mon salaire pour aller me faire soigner », dit-elle.

Mme Daneau se souvient que lorsqu’elle a commencé la radiothéra­pie, dont les traitement­s durent un peu moins d’une demiheure, elle courait pour entrer et sortir de l’hôpital le plus vite possible afin de profiter des 30 minutes de stationnem­ent gratuites.

Le ministère de la Santé et des Services sociaux dit suivre l’évolution des surplus découlant de l’exploitati­on des stationnem­ents, d’après une réponse par courriel.

« Le surplus de 70 M$ [...] pour l’exercice 2016-2017 est légèrement inférieur à celui constaté au cours des deux exercices précédents », écrit la porte-parole MarieClaud­e Lacasse.

 ??  ??
 ?? PHOTO PIERRE-PAUL POULIN ?? Manon Daneau raconte avoir vécu un stress énorme pour réussir à payer les frais de stationnem­ent (jusqu’à 16,75 $ par jour) lors de ses nombreux rendez-vous. Selon l’Hôpital Maisonneuv­e-Rosemont, les surplus servent à compléter le budget de...
PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Manon Daneau raconte avoir vécu un stress énorme pour réussir à payer les frais de stationnem­ent (jusqu’à 16,75 $ par jour) lors de ses nombreux rendez-vous. Selon l’Hôpital Maisonneuv­e-Rosemont, les surplus servent à compléter le budget de...

Newspapers in French

Newspapers from Canada