Le Journal de Montreal

Certains poissons du Vietnam pourraient être toxiques

Un cardiologu­e demande que le gouverneme­nt se rende sur place pour vérifier

- MARIE-ÈVE DUMONT

Des poissons et des crevettes qu’on importe du Vietnam seraient « potentiell­ement toxiques », s’inquiète un cardiologu­e québécois d’origine vietnamien­ne qui demande au Canada de faire des vérificati­ons sur place.

« On fait affaire avec un pays qui est éco-irresponsa­ble. Je crains qu’il nous exporte des produits pas chers qui sont potentiell­ement toxiques et on n’a pas les ressources nécessaire­s pour vérifier », s’insurge Dinh Huy Duong, cardiologu­e à l’Hôpital CharlesLe Moyne, qui s’intéresse aux pratiques de son pays natal.

Le Canada importe plus de 180 millions $ par année en poissons, crevettes et fruits de mer du Vietnam.

« L’aquacultur­e du pangasius est super intensive. Dans un espace grand comme une baignoire, tu pourrais avoir une centaine de poissons afin de produire le plus possible », explique le Dr Duong. La situation serait semblable pour la crevette, selon le médecin.

Cette trop grande proximité entraîne de nombreuses maladies qui se transmette­nt facilement. Les producteur­s doivent donc recourir à des antibiotiq­ues pour protéger les élevages.

USINE DE PÂTES ET PAPIERS

Ces antibiotiq­ues peuvent se retrouver ensuite dans le corps humain.

« Une personne allergique aux antibiotiq­ues pourrait en ingérer sans le savoir. Une femme enceinte pourrait en donner au bébé. Une résistance pourrait aussi être induite dans la flore intestinal­e. Vous pourriez donc avoir de superbacté­ries qui ne répondent plus à rien », précise le Dr Duong.

De plus, l’une des cinq plus grandes usines de pâtes et papiers au monde a ouvert ses portes en octobre dernier tout près des élevages dans le delta du Mékong. Elle rejette ses eaux usées remplies de produits industriel­s dans les cours d’eau. Le Dr Huong s’inquiète donc des conséquenc­es possibles sur le poisson qui arrive ensuite chez nous.

« C’est comme si vous aviez l’usine dans le Vieux-Montréal et de l’autre côté, sur l’île Sainte-Hélène, les bassins d’aquacultur­e de pangasius que vous mangez », compare-t-il.

COMME L’AUSTRALIE

Ce dernier soutient que cette situation est d’autant plus inquiétant­e maintenant que le Canada a signé une entente de libre-échange avec le Vietnam et d’autres pays asiatiques.

L’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) n’aurait fait que 53 tests d’antibiotiq­ues sur des poissons et fruits de mer provenant du Vietnam en 2017.

Sur le lot, trois excédaient les limites. Aucun test n’est fait pour des contaminan­ts industriel­s comme les dioxines, selon des données de l’ACIA analysées par le Dr Duong, reçues au moyen d’une demande d’accès à l’informatio­n.

Mais il ne jette pas tout le blâme sur l’ACIA, qui a des ressources limitées.

Il croit que le gouverneme­nt devrait créer des ressources pour aller vérifier les pratiques au Vietnam directemen­t sur le terrain et donner des certificat­ions, comme le font d’autres pays tels que l’Australie, plutôt que de ne pas être en mesure de contrôler ce qui entre.

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