Le Journal de Montreal

Le fransais : sa fè dur

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Avez-vous été surpris quand vous avez lu dans Le Journal que selon des profs de français d’expérience, « les jeunes font plus de fautes qu’avant » et la qualité du français est en chute libre ? Pas moi.

Quand je vois la façon dont nos vedettes s’expriment à la télé, quand j’entends les dialogues dans les séries télé, la langue des animateurs, pas étonnant que les élèves se disent que parler français tout croche, c’est chill.

LA LANGUE À TERRE

Dominique Scali a présenté un excellent dossier lundi. Entre autres témoignage­s, cette phrase d’un prof de français qui a 20 ans de métier m’a jetée à terre : « Il y a 20 ans, les élèves arrivaient à écrire un texte de 300 mots en trois heures sur un sujet qu’ils n’avaient jamais vu de leur vie. Ce serait impossible maintenant ».

Je ne jouerai pas au jeu de l’oeuf et de la poule, je ne sais pas ce qui est venu en premier : est-ce que les jeunes perdent leur français parce que les médias ne valorisent pas le bien-parler ou est-ce que les médias reflètent un français ordinaire parce que les Québécois parlent moins bien ?

Mais je fais un constat : constammen­t, à la télé, à la radio, les animateurs massacrent le français : « quand qu’on », « ça l’a l’air », « au niveau de », « je vous partage », « bon matin », « la fois où ce que », « la manière que ». Et si quelqu’un s’avise de soigner sa langue, il se fait traiter de snob (comme mon ami Mathieu Bock-Côté qui se fait regarder comme un extra-terrestre chaque fois qu’il utilise un mot de plus de trois syllabes) ou de maudite Française qui devrait rentrer chez elle si elle est pas contente (comme quelqu’un que je connais).

Je ne veux pas avoir l’air nostalgiqu­e, je ne veux pas ressortir la bonne vieille rengaine « Dans mon temps… », mais je ne peux m’empêcher de me faire la réflexion suivante : certaines personnes qui travaillen­t aujourd’hui dans les médias n’auraient même pas été engagées comme réceptionn­istes il y a 25 ans.

On valorise la médiocrité, le laisser-aller. On dénigre l’effort, l’exigence.

L’autre jour à Tout le monde en parle, Denys Arcand racontait que lorsqu’il guidait Maripier Morin dans son premier rôle au cinéma, il lui répétait constammen­t d’articuler. « Ar-ti-cu-le » est le mot qui a été répété le plus souvent sur le plateau de tournage, racontait en s’amusant Maripier Morin. Pouvez-vous croire qu’Arcand s’est fait reprocher de ridiculise­r Morin et sa parlure de Rivière-du-Loup ?

Un entraîneur sportif peut être exigeant avec son athlète et lui demander d’atteindre l’excellence, mais être exigeant avec l’outil du comédien qui est l’expression orale, ça c’est très vilain ?

ON EST MDR

On ne voit pas assez souvent à la télé et on n’entend pas assez souvent à la radio des auteurs, des intellectu­els, des poètes, des chanteurs, des amoureux de la langue française qui la célèbrent, la louangent, la chérissent.

Après ça, si les élèves baragouine­nt une espèce de bouillie incompréhe­nsible, truffée de béquilles verbales, « genre », « comme » et autres « lol », ne vous demandez pas PKOI.

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