Corée du Nord : on ne se méfie jamais assez
Il fallait s’y attendre. Donald Trump a mis un peu trop de coeur trop tôt dans cette
bromance-ci. Kim Jong-un semble lui avoir joué un tour que son père et son grand-père avaient perfectionné avant lui : « Là, tu m’aimes ; là, tu te fais avoir ! »
On ne sait pas encore tout : la Corée du Nord n’a pas été qualifiée de « royaume ermite » pour rien. Faute d’une presse libre, il faut prendre comme paroles du pouvoir ce que publie l’agence officielle nord-coréenne KCNA.
Et en réagissant aux manoeuvres militaires conjointes américaines et sud-coréennes en invitant les ÉtatsUnis à « mûrement réfléchir sur le sort de ce sommet Corée du Nord-USA à la lumière du vacarme militaire », on comprend que cette rencontre historique risque de prendre le bord avant même d’avoir lieu.
D’UN EXTRÊME À L’AUTRE
Donald Trump a pourtant mis le paquet dans cette aventure nord-coréenne. Pas de limite, d’un côté comme de l’autre. Aucun autre dirigeant étranger n’a été abreuvé d’autant d’insultes par Trump : « un maniaque », « un mauvais gars », « un fou », « meurtrier de son propre peuple », « le p’tit gros » qui se prend pour « little rocket man ». C’était à la fin de novembre dernier, il n’y a pas six mois.
Puis, vire-capot complet : en quelques semaines, commençant début-avril, Kim Jong-un devient « très honorable » dans les discussions préparant une rencontre entre les deux leaders. Trump en remet, lorsque le dictateur de Pyongyang accepte de délivrer trois Américains, retenus prisonniers sans raison légitime.
« Gentil » de les avoir libérés plus tôt que prévu, le président américain juge même que Kim Jong-un a été « excellent » avec les trois prisonniers. Des louanges pour le même homme qui continue de torturer son peuple, le même despote qui, l’été dernier, avait libéré un autre Américain, Otto Warmbier, emprisonné pour des raisons fantaisistes et maltraité au point où il est mort six jours après être rentré aux États-Unis.
MON GRAND AMI CI MON GRAND AMI ÇA
Si la menace à l’égard de leur rencontre vient effectivement de Kim Jong-un, Donald Trump doit se sentir doublement trahi. D’abord, parce qu’après son virage à 180 degrés, il n’avait pratiquement que de bons mots pour le leader nord-coréen.
Puis, son style à lui, le style de Trump, échevelé et décousu, c’est celui des grandes amitiés. Quand ça marche, bien sûr. C’est ce qu’il se vante d’avoir accompli avec Shinzo Abe, le premier ministre japonais, son
partner de golf. Et avec Xi Jinping, le président chinois, qu’il appelle « son ami » dès qu’on lui en donne la chance.
Pas besoin de revenir sur les embrassades à qui mieux mieux avec Emmanuel Macron, on a déjà tout dit. Et soyez assurés que si on le laissait faire, il n’aurait pas meilleur camarade-président que Vladimir Poutine, son genre de leader fort.
Il devra maintenant se mettre en mode méfiance : non seulement à l’égard du tyran de Pyongyang, mais de son propre réflexe de glorifier ceux et celles (surtout ceux) qui se montrent le moindrement sympathique à son endroit.
Ce sera intéressant à voir, parce que Trump n’a pas le sens des nuances. C’est noir ou blanc ; le gris, connaît pas. Les éloges qui ont suivi les injures vont-ils être remplacés par de nouvelles insultes ? Ce sera beau à voir, face à face, s’ils finissent effectivement par se rencontrer.
Ce sera intéressant à voir, parce que Donald Trump n’a pas le sens des nuances.