Le Journal de Montreal

Corée du Nord : on ne se méfie jamais assez

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Il fallait s’y attendre. Donald Trump a mis un peu trop de coeur trop tôt dans cette

bromance-ci. Kim Jong-un semble lui avoir joué un tour que son père et son grand-père avaient perfection­né avant lui : « Là, tu m’aimes ; là, tu te fais avoir ! »

On ne sait pas encore tout : la Corée du Nord n’a pas été qualifiée de « royaume ermite » pour rien. Faute d’une presse libre, il faut prendre comme paroles du pouvoir ce que publie l’agence officielle nord-coréenne KCNA.

Et en réagissant aux manoeuvres militaires conjointes américaine­s et sud-coréennes en invitant les ÉtatsUnis à « mûrement réfléchir sur le sort de ce sommet Corée du Nord-USA à la lumière du vacarme militaire », on comprend que cette rencontre historique risque de prendre le bord avant même d’avoir lieu.

D’UN EXTRÊME À L’AUTRE

Donald Trump a pourtant mis le paquet dans cette aventure nord-coréenne. Pas de limite, d’un côté comme de l’autre. Aucun autre dirigeant étranger n’a été abreuvé d’autant d’insultes par Trump : « un maniaque », « un mauvais gars », « un fou », « meurtrier de son propre peuple », « le p’tit gros » qui se prend pour « little rocket man ». C’était à la fin de novembre dernier, il n’y a pas six mois.

Puis, vire-capot complet : en quelques semaines, commençant début-avril, Kim Jong-un devient « très honorable » dans les discussion­s préparant une rencontre entre les deux leaders. Trump en remet, lorsque le dictateur de Pyongyang accepte de délivrer trois Américains, retenus prisonnier­s sans raison légitime.

« Gentil » de les avoir libérés plus tôt que prévu, le président américain juge même que Kim Jong-un a été « excellent » avec les trois prisonnier­s. Des louanges pour le même homme qui continue de torturer son peuple, le même despote qui, l’été dernier, avait libéré un autre Américain, Otto Warmbier, emprisonné pour des raisons fantaisist­es et maltraité au point où il est mort six jours après être rentré aux États-Unis.

MON GRAND AMI CI MON GRAND AMI ÇA

Si la menace à l’égard de leur rencontre vient effectivem­ent de Kim Jong-un, Donald Trump doit se sentir doublement trahi. D’abord, parce qu’après son virage à 180 degrés, il n’avait pratiqueme­nt que de bons mots pour le leader nord-coréen.

Puis, son style à lui, le style de Trump, échevelé et décousu, c’est celui des grandes amitiés. Quand ça marche, bien sûr. C’est ce qu’il se vante d’avoir accompli avec Shinzo Abe, le premier ministre japonais, son

partner de golf. Et avec Xi Jinping, le président chinois, qu’il appelle « son ami » dès qu’on lui en donne la chance.

Pas besoin de revenir sur les embrassade­s à qui mieux mieux avec Emmanuel Macron, on a déjà tout dit. Et soyez assurés que si on le laissait faire, il n’aurait pas meilleur camarade-président que Vladimir Poutine, son genre de leader fort.

Il devra maintenant se mettre en mode méfiance : non seulement à l’égard du tyran de Pyongyang, mais de son propre réflexe de glorifier ceux et celles (surtout ceux) qui se montrent le moindremen­t sympathiqu­e à son endroit.

Ce sera intéressan­t à voir, parce que Trump n’a pas le sens des nuances. C’est noir ou blanc ; le gris, connaît pas. Les éloges qui ont suivi les injures vont-ils être remplacés par de nouvelles insultes ? Ce sera beau à voir, face à face, s’ils finissent effectivem­ent par se rencontrer.

Ce sera intéressan­t à voir, parce que Donald Trump n’a pas le sens des nuances.

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PHOTOS AFP Le président américain Donald Trump et le leader nord-coréen Kim Jong-un doivent se rencontrer le 12 juin prochain, à Singapour.
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