Timide relance du cinéma québécois
Depuis 2014, Québec et Ottawa ont investi plus de 210 millions $ dans des films québécois peu vus en salles
Malgré une année 2017 au-delà des espérances, grâce au succès remporté par les suites des comédies Bon Cop Bad Cop et De père en flic, la majorité des films québécois qui ont pris l’affiche sur grand écran au cours des quatre dernières années n’ont pas réussi à trouver leur public.
Tel est le constat d’une compilation effectuée par Le Journal à partir des informations publiques contenues dans les rapports de la SODEC et Téléfilm Canada ainsi que sur le site de l’Observatoire de la culture et des communications.
Sauf exception, les films tournés au Québec sont financés en bonne partie par vos impôts. Les sommes transitent principalement par la SODEC et Téléfilm Canada, des organismes dont le travail est d’évaluer quels longs métrages obtiendront du financement parmi les dizaines de projets qui leur sont soumis chaque année.
Les Québécois en ont-ils pour leur argent ? C’est ce que Le Journal a voulu examiner.
De 2014 à aujourd’hui, les deux organismes subventionnaires ont versé 212 M$ pour la production et la mise en marché de films, qui ont amassé des recettes de 52 M$.
Même si la part de marché a réussi à se maintenir au-dessus des 5 %, avec une pointe à 7,2 % en 2015, les années 2014 à 2016 ont été difficiles en matière de fréquentation si l’on compare les résultats avec la somme des investissements publics.
Comme c’est le cas partout dans le monde, le cinéma d’auteur québécois reste largement snobé par le grand public.
« Qu’est-ce qui marche vraiment en salles aujourd’hui ? Ce sont les blockbusters américains et les films de superhéros de Marvel. Sauf exception, c’est ce genre de films là qui remplit les salles de cinéma. Les films d’auteur indépendants font leur vie autrement », observe l’exprésidente de la SODEC, Monique Simard.
DES HAUTS ET DES BAS
Le portrait est moins sombre depuis un an. Avec une part de marché de 13,3 %, le cinéma québécois a connu, en 2017, sa meilleure année en 10 ans. Ce regain de vie est attribuable au triomphe d’une poignée de films populaires qui ont eu un effet d’entraînement, dit le producteur Christian Larouche.
« Bien sûr, les suites de films comme De père en flic 2, et Bon Cop Bad Cop 2 ont bien marché, mais il y a aussi eu des films d’auteur qui ont trouvé leur public. »
Malgré ces rares succès, beaucoup de films ne trouvent pas leur public. Dans notre analyse de 70 films subventionnés (publiée dans les pages 58 à 61), on retrouve une dizaine de films qui ont reçu une aide de plus de 1,5 M$ et qui ont attiré moins de 10 000 spectateurs.
Le coloré Vincent Guzzo, propriétaire de la chaîne de cinémas du même nom, croit qu’on doit revoir la distribution des subventions.
« Qu’un film fasse 500 000 $, c’est quand même 50 000 Québécois qui l’ont vu. Mais il y a des films qui font du 50 000 $. Il faut se demander à quoi pensait la personne qui a dit qu’on leur donne de l’argent. Et quand le même cinéaste est financé une deuxième ou une troisième fois pis que ses films ne font pas mieux, c’est quoi la joke ? »
LE SUCCÈS DE LA BOLDUC
Ce sera intéressant d’observer si La Bolduc, qui connaît un beau succès ce printemps avec des recettes dépassant les 2 millions de dollars, profitera aux autres films québécois qui sortiront en 2018.
Quelques titres annoncés pour l’été pourraient faire courir les foules, dont la comédie 1991, de Ricardo Trogi, et le nouveau film de Denys Arcand, avec Maripier Morin dans son premier rôle au cinéma. Dans les premiers mois de 2018, notre cinéma maintient une part de marché respectable de plus de 8 %.
– Avec la collaboration de Maxime Demers