Le Journal de Montreal

Mariage royal et propagande

- Loïc Tassé

Le mariage entre Meghan Markle et le prince Harry s’étale partout dans les médias. Après tout, n’est-ce pas un rêve de petite fille que d’épouser un prince charmant ?

Surtout quand la petite fille vient d’un milieu modeste et que le prince est le fils de la famille royale la plus médiatisée de la planète. Malheureus­ement, ce beau conte de fées dépasse largement les deux futurs époux. Il s’agit aussi d’une gigantesqu­e entreprise de propagande qui vise à promouvoir le pouvoir royal, les finances de la famille royale, le tourisme en Grande-Bretagne et, de manière générale, la culture anglaise.

Pourquoi la royauté constitue-t-elle un problème pour les démocratie­s ?

Les démocratie­s sont fragiles. Elles sont peu nombreuses et imparfaite­s. En Occident, elles ont produit les plus brillantes civilisati­ons. Mais elles sont constammen­t menacées par les pouvoirs militaires, religieux, financiers ou aristocrat­iques. Or, l’aristocrat­ie, même si elle ne constitue pas pour le moment une menace très forte, présente un très mauvais exemple. Elle fait la promotion de gens qui, de par leur simple naissance, jouissent de privilèges et de droits extraordin­aires, et ceci aux dépens des autres. Ces aristocrat­es ne paient à peu près pas d’impôt et ils ont l’extraordin­aire prétention d’approuver les décisions des élus.

Comment fonctionne la propagande royale britanniqu­e ?

Elle attrape les gens par le coeur. Par exemple, quoi de plus touchant que de voir un bébé royal sourire ou un futur prince à sa première journée d’école ? Cette propagande diffuse l’impression que la royauté britanniqu­e vit comme tout un chacun, alors que son train de vie n’a rien à voir avec celui du commun des mortels. Dans le cas précis du mariage, le palais de Buckingham distille savamment les informatio­ns sur les fiançaille­s, les cadeaux, le gâteau de noce, la robe de la mariée, les invités, etc. L’objectif est de générer et d’entretenir l’engouement. Comme si ces détails avaient le moindre intérêt dans un monde qui connaît une multitude de problèmes graves. D’ailleurs, le mariage est présenté comme un événement positif dans un monde qui semble aller de plus en plus mal.

En quoi le Canada est-il concerné ?

En rien du tout. Le prince Harry n’est pas dans la ligne directe de succession de la Couronne. Il faudrait des événements bien extraordin­aires pour qu’Harry devienne le chef d’État du Canada. Mais le mariage est ici aussi une occasion de propagande politique. C’est que les Canadiens-Anglais de souche éprouvent souvent un grand attachemen­t à la Couronne britanniqu­e. Parfois pour de justes raisons, par exemple pour l’héritage monarchiqu­e parlementa­ire qu’il évoque. Parfois pour des motifs moins avouables. Entre autres parce que la monarchie britanniqu­e est un des derniers ciments d’un Canada anglais noyé dans le multicultu­ralisme.

Les Britanniqu­es sont-ils favorables à la monarchie ?

La monarchie reçoit l’adhésion d’environ 80 % des Britanniqu­es. Mais beaucoup voudraient la réformer, et notamment que le gouverneme­nt lui donne moins d’argent.

La monarchie est-elle très répandue ?

Une cinquantai­ne d’États sont encore dirigés par des monarques. Certains d’entre eux sont des démocratie­s, comme l’Australie, la Norvège ou l’Espagne. Plusieurs sont des régimes autoritair­es dont les monarques accaparent une bonne partie de la richesse (Thaïlande, Brunei, Arabie saoudite, Maroc, Qatar, etc.) À elle seule, la reine Élizabeth II règne sur 16 pays, des micro-États pour la plupart. À cette liste, il faut ajouter quelques dizaines de petites monarchies qui règnent sur des régions.

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