Le Journal de Montreal

Sauter sans filet pour réaliser son rêve de jeunesse

Arrivé au Québec avec 70 $, il est maintenant à la tête de deux commerces

- SYLVIE LEMIEUX

Franck Hénot avait passé le cap de la quarantain­e quand il a décidé de concrétise­r un rêve de jeunesse : devenir commerçant. En 2010, il est devenu propriétai­re de l’Intermarch­é Boyer, une épicerie très fréquentée du Plateau Mont-Royal. C’était la deuxième meilleure décision de sa vie.

« J’arrivais à une étape de ma vie où j’avais eu de super bons boss et aussi… des crétins. Quand j’ai su que l’Intermarch­é était à vendre, je n’ai pas hésité. Je voulais devenir mon propre patron », raconte Franck Hénot qui était alors gérant de cette épicerie appartenan­t à la bannière Provigo.

« Depuis que j’étais tout petit, je disais que je voulais devenir commerçant. J’ai d’ailleurs fait une école de commerce en France », explique-t-il.

En 1989, il décide de venir s’installer au Québec. Une excellente décision, dit-il.

UNE ÉTAPE MARQUANTE

Avant de se retrouver à la tête de l’Intermarch­é, Frank Hénot a travaillé pendant 12 ans pour Olymel où il a occupé différents postes jusqu’à devenir directeur d’usine. Fatigué par les nombreux voyages à l’étranger exigés par sa tâche, il décide d’aller travailler pour une PME. Un choix qu’il ne tarde pas à regretter n’arrivant pas à s’entendre avec le propriétai­re.

« Ça a été une expérience très difficile et déstabilis­ante », dit-il. Après quelques mois de réflexions, il décide de foncer et postule chez Provigo. Il obtient la gérance du Provigo Saint-Urbain. Le voici donc commerçant. Enfin, presque…

Peu après, il devient directeur de l’Intermarch­é Boyer, l’un des rares magasins corporatif­s de cette bannière. Lorsqu’il apprend qu’il est à vendre, il hésite à peine. « Je voulais devenir mon propre boss. Je me disais qu’on ne pourrait plus me déloger de là. Mais le défi, c’était de l’acheter. Le prix était très conséquent. Et avant même de conclure la transactio­n, il fallait payer pour diverses évaluation­s. »

Il rassemble alors ses économies, encaisse ses REER, vend des biens, fait appel à des proches qui lui prêtent de l’argent et trouve deux institutio­ns financière­s prêtes à l’appuyer. En janvier 2010, il devient propriétai­re de l’Intermarch­é Boyer qui employait alors plus de 80 personnes.

« Tout de suite, ça a été l’amour fou pour mon nouveau rôle, raconte-t-il. Le succès a été rapide. J’ai développé de nouveaux services, dont une cuisine pour des mets préparés sur place. On a reçu beaucoup de prix, dont celui de magasin de l’année au Canada en 2014. »

Les affaires vont si bien qu’il rembourse sa dette en sept ans plutôt qu’en dix. Aujourd’hui, l’Intermarch­é Boyer, qui fête ses 60 ans au sein de la bannière, emploie près d’une centaine de personnes, ce qui en fait l’un des plus importants employeurs de l’avenue Mont-Royal.

AVOIR DE LA VISION

« Se lancer en affaires, ça dépasse le fait de vouloir concrétise­r une bonne idée. Il faut vraiment avoir le goût de prendre des décisions et de ne pas laisser le contrôle de sa vie aux autres. »

La solitude du dirigeant, il connaît. « On se sent tout seul quand on décide de garder le cap malgré les avis de notre entourage. Il y a aussi que l’on a une responsabi­lité envers les gens que l’on emploie. On est obligé de voir à plus long terme. »

Cette vision, il l’a particuliè­rement exercée quand il a décidé de renégocier son bail trois ans avant l’échéance.

« Le bail finissait en 2020 avec une option jusqu’en 2025. Mais je n’avais aucune assurance qu’il serait renouvelé. J’ai travaillé fort pour négocier une entente jusqu’en 2040. »

Cela lui a permis de sécuriser l’entreprise et les emplois. « Je vais ainsi pouvoir vendre le commerce le temps venu. Comme je n’ai pas d’enfant, il n’est pas question d’un transfert familial. Des employés sont intéressés à racheter l’entreprise, la relève se prépare. »

En attendant, il s’est lancé dans une nouvelle aventure en fondant la fromagerie Bleu et Persillé en 2015 avec son conjoint comme coassocié. « C’est très différent que d’acheter une entreprise déjà existante. Tout est à faire. On a cherché un local et procédé à des travaux, on a défini l’identité visuelle, embauché du personnel. C’est de la création pure. »

Le travail a été récompensé par un prix d’excellence en architectu­re décerné par l’Ordre des architecte­s du Québec en novembre dernier.

Bleu et Persillé est situé sur l’avenue Mont-Royal, près de l’Intermarch­é. C’est un commerce de destinatio­n qui est axé sur le service et le conseil. « Les gens qui viennent chez Bleu et Persillé veulent goûter les fromages, qu’on les coupe spécialeme­nt pour eux. C’est une clientèle d’épicuriens », explique Franck Hénot qui se retrouve ainsi à la tête de deux commerces. Pas mal pour quelqu’un qui est arrivé au Québec avec 70 $ en poche !

pmeinc@quebecorme­dia.com

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PHOTO PIERRE-PAUL POULIN Franck Hénot dans la fromagerie Bleu et Persillé qu’il a fondée en 2015.

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