Gros show de boucane ou révolution en marche ?
Ce n’est pas compliqué. Elon Musk, le grand patron de Tesla, de SpaceX et de quelques autres compagnies, organismes et fondations, est toujours présent dans les médias, grands et petits. Et ces rares journées où on ne parle pas de lui, de ses voitures électriques, de ses fusées recyclables ou de ses tunnels à capsules supersoniques, il s’en charge lui-même, sur Twitter.
Ces jours-ci, M. Musk consacre beaucoup de temps et d’énergie à défendre Tesla, qui fabrique les voitures électriques les plus célèbres et convoitées de la planète.
Parce que le constructeur, installé à Palo Alto en Californie, au coeur de Silicon Valley, ne cesse d’aligner les pertes, à coups de milliards, chaque trimestre. Ce qui provoque une avalanche de chroniques et de commentaires alarmistes dans ce monde éminemment paranoïaque de la haute finance.
LE DÉFI ARDU DE PRODUIRE LA MODEL 3
Tesla perd cet argent surtout parce qu’il peine à produire, en aussi grand nombre que promis, la berline Model 3, son modèle le plus abordable. De très loin, à part ça. Il faut dire que 500 000 acheteurs ont déjà versé un dépôt pour réserver une Model 3, ce qui ne s’était jamais vu en un siècle et quart d’histoire de l’automobile.
Je suis franchement intrigué que Tesla ne se soit pas tourné vers les meilleurs experts pour hausser le rythme sans compromis sur la qualité. C’est pourtant ce qu’ils ont fait, à l’époque, en recrutant des ingénieurs chez Lotus pour raffiner le comportement de la Model S et le styliste Franz von Holzhausen pour lui dessiner une carrosserie encore superbe, même après sept années.
Ils auraient pourtant dû s’intéresser au principe de jidoka ou autonomation, qui préconise l’automatisation intelligente de la production. Un des principes du Toyota Production System, qui a lancé le deuxième âge de l’automobile et une nouvelle révolution industrielle. Ce sont d’ailleurs des experts japonais qui ont permis à la très allemande Porsche de transformer radicalement ses méthodes durant les années 1990 et de devenir la puissance qu’on connaît.
Au lieu de ça, le grand admirateur d’Isaac Asimov qu’est Musk a parié sur la multiplication des robots. Une erreur qui a coûté environ 200 milliards $ d’aujourd’hui à GM durant les années 1980, sous la gouverne de Roger Smith, rendu tristement célèbre par Michael Moore dans son film Roger and Me. Une erreur qu’a reconnue Musk avant de lancer un « hackathon » pour trouver une solution informatique aux ennuis de production de la Model 3.
LE GRAND JEU POUR UN GRAND JOUEUR
Elon Musk est un promoteur et un publicitaire de génie, en plus de ses autres titres et talents, mais également un gigantesque parieur, qui n’a peur d’absolument rien. Certainement pas de perdre de l’argent. Il a d’ailleurs investi des centaines de millions de ses propres dollars dans les entreprises qu’il a créées, ou aidé à créer.
Des projets qui pouvaient sembler loufoques ou peu réalistes. Comme de permettre à tous de payer des choses sur internet facilement et sans risque. Ça s’appelle PayPal. Comme de développer des fusées réutilisables pour qu’il coûte de moins en moins cher de mettre des satellites et des gens en orbite. Ça, c’est SpaceX, fondée en 2002.
Chaque fois, Elon Musk a gagné son pari et souvent quelques centaines de millions avec. Chaque fois, il a tout remis en jeu. Pour les plus récents de ces paris, il y a des centaines de milliards sur la table et Musk est toujours « all-in ». Sans peur et sans reproche. Il y a plein de gens, sur Wall Street et ailleurs, qui espèrent faire un gros coup en pariant sur l’échec et la chute de Tesla. Ce serait effectivement une faillite gigantesque, à la mesure des ambitions de son chef. L’histoire de l’automobile est parsemée de milliers d’échecs, après tout. Pourtant, je ne parierais pas un sou contre Musk et son équipe. Ils sont d’ailleurs des milliers à faire le contraire. Tous ces investisseurs qui ont porté la valeur boursière de Tesla Inc. à quelque 60 G$. Plus que General Motors, alors qu’elle n’a produit qu’environ 100 000 véhicules contre les 10 millions du géant américain.
Parions que Tesla arrivera à produire 6000 Model 3 chaque mois et bientôt quelques centaines de milliers de machines par année, comme l’a promis le patron. Et ce, malgré la multiplication prochaine de rivales sérieuses. Autant des bolides de luxe comme la Jaguar I-Pace, qui arrive cette année, que des voitures électriques chinoises moins chères, bien construites et plus raffinées. Sans compter la belle santé des Chevrolet Bolt, Nissan Leaf et autres.
De toute manière, Elon Musk a déjà la tête ailleurs, entre les étoiles. Qui sait ce qu’il nous inventera ensuite.