Le Journal de Montreal

Des avocats en grogne contre le Barreau du Québec

- MICHAËL NGUYEN

À la veille d’une assemblée générale extraordin­aire, la grogne s’est installée chez des avocats qui digèrent mal que le Barreau se soit lancé dans une bataille pour faire invalider les lois du Québec qui ne sont pas adoptées tant en français qu’en anglais.

« On a l’impression qu’il s’agit d’un outil politique, que le Barreau du Québec s’éloigne de sa mission de protection du public, je sens la grogne », affirme l’avocat Félix Martineau.

Le mois dernier, le Barreau du Québec et de Montréal ont intenté une poursuite contre le président de l’Assemblée nationale, invoquant l’illégalité des lois et règlements puisque le processus d’adoption violerait la Loi constituti­onnelle de 1867.

Selon cette loi, les députés devraient adopter les textes simultaném­ent en français et en anglais. Présenteme­nt, le Barreau indique que les lois et règlements sont adoptés en français, puis traduits.

« Ça pose des problèmes de versions entre le français et l’anglais, le but [de la poursuite] est de protéger la version française, ça permettra une meilleure stabilité », a expliqué au Journal le bâtonnier du Québec Paul-Matthieu Grondin.

PAS CONSULTÉS

Plusieurs avocats sondés par Le Journal se disent toutefois surpris que le Barreau n’ait jamais consulté ses membres avant d’entreprend­re le recours.

« Pour un sujet aussi important et sensible, ç’aurait été approprié de nous sonder, a expliqué Me Stéphane Handfield, un avocat spécialisé en immigratio­n. Je me bat continuell­ement pour obtenir des services en français de qualité en matière d’immigratio­n, le sujet m’interpelle énormément. »

L’avocat Frédéric Allali, du cabinet Allali Brault, est du même avis.

« C’est très surprenant que nous n’ayons pas été consultés alors qu’il s’agit d’une question sérieuse, puisque toutes les lois du Québec pourraient être affectées », a-t-il dit.

Plusieurs avocats se questionne­nt également sur les raisons qui ont poussé le Barreau à entreprend­re ces démarches.

« Au nom de qui attaque-t-on toutes les lois ? se demande entre autres Me Allali. Est-ce pour les avocats ? Pour le public ? »

PAS LE BON ENDROIT

Me Martineau croit pour sa part que « cette question linguistiq­ue ne regarde pas le Barreau », que ce dernier ait raison ou non. Selon lui, un particulie­r ou une associatio­n aurait pu tenir le flambeau plutôt que son ordre profession­nel.

« On a franchi une ligne qu’on n’aurait pas dû franchir, dit-il. La langue, c’est politique, ce n’est pas le mandat du Barreau, le bâtonnier n’est pas un chef politique. »

Le bâtonnier a pour sa part répondu aux critiques en disant que le sujet perdure depuis 25 ans, et qu’il n’est pas rare que le Barreau s’implique dans des recours, citant en exemple le débat judiciaire sur les peines minimales.

Lors de l’assemblée générale de ce jeudi, ses opposants demanderon­t un vote pour que le Barreau se désiste de la demande en justice, qu’il s’abstienne d’en déposer une autre et qu’elle obtienne l’aval de la majorité des membres « avant d’introduire tout recours ayant une incidence politique ».

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PAUL-MATTHIEU GRONDIN Bâtonnier du Québec

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