Le Journal de Montreal

Les communicat­ions des journalist­es en danger

La Cour suprême analysera la protection des sources

- MAXIME HUARD

OTTAWA | Après avoir entendu hier la cause opposant Vice Media au gouverneme­nt fédéral, la Cour suprême devra tracer la ligne entre la liberté de presse et le travail policier dans les cas où la correspond­ance des journalist­es devient un élément d’enquête.

Le journalist­e Ben Makuch veut faire casser une ordonnance le sommant de remettre à la Gendarmeri­e royale du Canada (GRC) sa correspond­ance avec Farah Shirdon, un Canadien impliqué auprès du groupe armé État islamique, obtenue dans le cadre d’une série d’articles publiés en 2014.

« Cette personne communiqua­it avec moi pour une raison : je ne suis pas un policier. Quand vous me demandez de dévoiler mes informatio­ns, vous me forcez à devenir un policier », a expliqué M. Makuch après que les juges eurent pris l’affaire en délibéré.

Qualifiant de « partie de pêche » la tentative de la GRC d’accéder à ses échanges de messages, il croit que tout le matériel journalist­ique devrait être protégé, de l’identité d’une source jusqu’aux notes personnell­es d’un reporter.

« Toutes ces choses sont vitales pour notre travail », a-t-il ajouté, se disant « optimiste » quant à ses chances de succès.

ATTEINTE AU TRAVAIL JOURNALIST­IQUE

M. Makuch conteste un jugement rendu en 2016 par la Cour supérieure de l’Ontario, et validé en mars dernier par la Cour d’appel de l’Ontario, lui demandant de dévoiler les communicat­ions entretenue­s avec M. Shirdon sur un service de messagerie électroniq­ue.

D’après l’avocat de Vice, Philip Tunley, les cours inférieure­s n’ont pas compris le travail des médias et ont fait pencher la balance du côté des intérêts de la poursuite en analysant la demande de la GRC.

« Dès que les médias sont vus en train de remettre cette informatio­n sensible, ils sont perçus comme des instrument­s de l’État. La confiance du public en leur travail est inévitable­ment érodée », a-t-il plaidé devant le plus haut tribunal du pays. Selon l’appelant, une telle ordonnance refroidit les médias dans leur travail, en rendant les sources plus réticentes à se confier.

Si le Parlement a adopté en octobre dernier une loi sur la protection des sources, la Cour suprême doit aller plus loin, selon Me Tunley. « Si tout ce qu’ils peuvent protéger est l’identité de leurs sources, les médias au pays seront sérieuseme­nt handicapés », a-t-il avancé.

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PHOTO AGENCE QMI, MAXIME HUARD Le journalist­e de Vice Media, Ben Makuch, à sa sortie de la Cour suprême hier, se bat contre une ordonnance l’obligeant à publier ses communicat­ions avec une source.
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FARAH SHIRDON Impliqué avec l’État islamique

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