La Charte des valeurs a catalysé la radicalisation, dit une étude
De jeunes musulmans éprouvent un « malaise » quant à leur place au Québec
OTTAWA | Le débat entourant la Charte des valeurs de l’ex-gouvernement péquiste a été un catalyseur important dans la radicalisation de nombreux jeunes québécois, révèle une étude.
« Les discussions politiques autour de la Charte des valeurs qui se déroulaient localement, et la montée du groupe État islamique à l’étranger, n’ont fait que renforcer le point de vue [de deux jeunes qui ont quitté le Québec pour la Syrie] selon lequel les musulmans ne devaient pas rester sur les terres des non-croyants », indiquent les auteurs du rapport Learning about Foreign Fighters from Family and Friends.
Rappelons qu’en 2013, l’ex-gouvernement péquiste a proposé une charte de la laïcité qui aurait interdit notamment le port de symboles religieux ostentatoires chez les employés du secteur public.
« La Charte a mené à la politisation de ces jeunes musulmans. Nous avons reçu le témoignage de jeunes qui nous disaient qu’avant ce débat, ils ne portaient pas le hijab, ils n’étaient pas religieux du tout […], mais soudainement, la charte a été le catalyseur qui les a poussés à devenir des militants pour leur identité religieuse », explique Amarnath Amarasingam, l’un des auteurs et chercheur sénior au Institute for Strategic Dialogue.
MEILLEURE COMPRÉHENSION
Le but du rapport est de mieux comprendre le processus de radicalisation des musulmans qui quittent leurs pays pour se rendre en Iraq et en Syrie. Pour ce faire, les auteurs du document ont fait 43 entrevues avec les proches de 30 hommes et femmes radicalisés dans divers pays.
Grâce à ces rencontres, ils ont pu publier leurs premières conclusions hier, qui peignent le portrait général des personnes radicalisées et les facteurs qui les ont menées à tout abandonner pour se joindre à un groupe islamiste.
Ils recommandent aussi que le gouvernement et les forces de l’ordre soutiennent mieux les familles et proches de jeunes potentiellement radicalisés.
LA RÉALITÉ DE QUÉBEC
S’il y a eu une centaine de Canadiens qui ont quitté le pays pour se joindre à un groupe islamiste en Iraq ou en Syrie, pas moins du tiers proviennent du Québec, souligne le rapport.
Pourquoi est-ce que le Québec semble être un terreau aussi fertile pour la radicalisation des jeunes ? Il n’y a pas une seule réponse, dit M. Amarasingam, mais les jeunes musulmans de la province éprouvent présentement un « profond malaise » quant à leur place dans la province.
Il croit aussi que la situation ne s’est pas améliorée depuis 2016, année où la majorité des entrevues ont été faites. Selon le chercheur, le malaise pourrait même empirer pour les jeunes musulmans québécois si les groupes identitaires ou des partis politiques nationalistes prennent plus de place au Québec.