Le Journal de Montreal

La Charte des valeurs a catalysé la radicalisa­tion, dit une étude

De jeunes musulmans éprouvent un « malaise » quant à leur place au Québec

- CHRISTOPHE­R NARDI

OTTAWA | Le débat entourant la Charte des valeurs de l’ex-gouverneme­nt péquiste a été un catalyseur important dans la radicalisa­tion de nombreux jeunes québécois, révèle une étude.

« Les discussion­s politiques autour de la Charte des valeurs qui se déroulaien­t localement, et la montée du groupe État islamique à l’étranger, n’ont fait que renforcer le point de vue [de deux jeunes qui ont quitté le Québec pour la Syrie] selon lequel les musulmans ne devaient pas rester sur les terres des non-croyants », indiquent les auteurs du rapport Learning about Foreign Fighters from Family and Friends.

Rappelons qu’en 2013, l’ex-gouverneme­nt péquiste a proposé une charte de la laïcité qui aurait interdit notamment le port de symboles religieux ostentatoi­res chez les employés du secteur public.

« La Charte a mené à la politisati­on de ces jeunes musulmans. Nous avons reçu le témoignage de jeunes qui nous disaient qu’avant ce débat, ils ne portaient pas le hijab, ils n’étaient pas religieux du tout […], mais soudaineme­nt, la charte a été le catalyseur qui les a poussés à devenir des militants pour leur identité religieuse », explique Amarnath Amarasinga­m, l’un des auteurs et chercheur sénior au Institute for Strategic Dialogue.

MEILLEURE COMPRÉHENS­ION

Le but du rapport est de mieux comprendre le processus de radicalisa­tion des musulmans qui quittent leurs pays pour se rendre en Iraq et en Syrie. Pour ce faire, les auteurs du document ont fait 43 entrevues avec les proches de 30 hommes et femmes radicalisé­s dans divers pays.

Grâce à ces rencontres, ils ont pu publier leurs premières conclusion­s hier, qui peignent le portrait général des personnes radicalisé­es et les facteurs qui les ont menées à tout abandonner pour se joindre à un groupe islamiste.

Ils recommande­nt aussi que le gouverneme­nt et les forces de l’ordre soutiennen­t mieux les familles et proches de jeunes potentiell­ement radicalisé­s.

LA RÉALITÉ DE QUÉBEC

S’il y a eu une centaine de Canadiens qui ont quitté le pays pour se joindre à un groupe islamiste en Iraq ou en Syrie, pas moins du tiers proviennen­t du Québec, souligne le rapport.

Pourquoi est-ce que le Québec semble être un terreau aussi fertile pour la radicalisa­tion des jeunes ? Il n’y a pas une seule réponse, dit M. Amarasinga­m, mais les jeunes musulmans de la province éprouvent présenteme­nt un « profond malaise » quant à leur place dans la province.

Il croit aussi que la situation ne s’est pas améliorée depuis 2016, année où la majorité des entrevues ont été faites. Selon le chercheur, le malaise pourrait même empirer pour les jeunes musulmans québécois si les groupes identitair­es ou des partis politiques nationalis­tes prennent plus de place au Québec.

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AMARNATH AMARASINGA­M Chercheur

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