Le Journal de Montreal

Du Ritalin jusqu’au ring

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QUÉBEC | Vincent Thibault est le plus adorable des boxeurs du Québec. Il est spontané, souriant, vif d’esprit, d’une intelligen­ce supérieure, et il est souvent drôle.

Il a la boxe dans le sang. Quand il fait la connaissan­ce d’une fille qui est attirée par ce beau gars, il met les choses au clair : « Moi, à cause de mon sport, je dois être égoïste. C’est simple, il y a la boxe, puis il y a moi, ensuite mes deux chiens et si ça t’intéresse toujours, il y aura toi », raconte-t-il le plus sérieuseme­nt du monde.

Faut que je précise tout de suite, Vincent Thibault, 25 ans, a été diagnostiq­ué tout jeune comme souffrant d’un déficit d’attention chronique.

Un vrai garçon au Ritalin. Aujourd’hui, il est toujours médicament­é, mais il a appris grâce à la méditation à mieux se concentrer dans sa vie.

Il n’a pas de complexe, il parle de son état avec franchise et prend les moyens pour atteindre ses objectifs « même si je sais que je ne suis pas normal » dit-il en se racontant.

EN AMOUR À HUIT ANS

Sa mère Nancy Laliberté est venue le trouver au Château Bonne-Entente où résident les boxeurs d’Eye of the Tiger. Le fils et la mère sont merveilleu­x de complicité. C’est sa mère qui a assuré la sécurité financière de la famille pendant toutes les années qui ont précédé la séparation du couple en 2011. Nancy était (et est) infirmière. Pendant 15 ans, elle travaillai­t de trois heures et demie à minuit dans un établissem­ent et se dépêchait d’aller commencer un autre quart de travail à minuit et quelques minutes jusqu’à huit heures du matin dans un autre centre hospitalie­r. Une vie épuisante qui ne l’empêchait pas de veiller sur la santé, la nutrition et l’entraîneme­nt de son gars.

« Je retiens de ma mère cette déterminat­ion et ce courage de ne jamais lâcher. De mon père, je dirais que j’ai reçu son impulsivit­é, son ressort de réagir dans la vie », dit le grand garçon pendant que sa mère rougit un petit peu devant le compliment.

Vous avez déjà compris que l’enfance de Vincent a été turbulente. Malgré le Ritalin, l’école était un enfer pour lui. En plus, le Ritalin lui coupait l’appétit et l’empêchait de dormir : « Et quand je tentais de lui couper le médicament en le remplaçant par un placebo, les professeur­s m’appelaient au bout de quelques jours pour se plaindre que Vincent n’était vraiment pas endurable en classe », raconte maman.

« Puis, à huit ans, mon oncle m’a emmené au club de boxe Saint-Émile, près du lac Saint-Charles. J’ai eu le coup de foudre. J’ai tout aimé. L’odeur, les sons, le bruit sur les sacs de sable. J’ai su à huit ans, dès la première journée, que je serais boxeur dans la vie », dit-il, les yeux brillants après toutes ces années.

KEVIN BIZIER… ET L’ANGLAIS

L’école a été un cauchemar pour Vincent. En classe, malgré la médication, il n’était pas assis sur sa chaise que ses idées s’envolaient ailleurs. La plupart du temps dans la boxe.

Dans son sport, il arrivait à mieux se concentrer, à rester dans le moment présent. Il s’entraînait avec Rémi Bizier, le père de Kevin, un de ses modèles dans la vie, et progressai­t bien.

Il est suivi par un psychologu­e sportif qui lui apprend à rester concentré. Disons à rester mieux concentré. Il a appris à reconnaîtr­e les variations dans son état et a des prescripti­ons de médicament­s pour des doses de 5, 10, 15 et 20 milligramm­es. Il tente de prendre au besoin la dose idéale quand il sent que son esprit vagabonde même quand il est dans un ring, que les bruits le dérangent et que les mouvements le sortent de sa bulle.

Il a un beau projet. Apprendre l’anglais et ensuite, compléter les deux dernières années de son secondaire. Avec ou sans déficit d’attention. Il mord dans la vie, s’occupe de ses deux chiens et poursuit son rêve de championna­t du monde.

Maudit déficit. Toujours sournois. Je termine par une anecdote. Ça se passait au MTelus à Montréal. C’était son tout premier combat chez les profession­nels : « J’essayais de rester dans ma bulle. Là, j’apprends que Kim Clavell n’avait pas fait le poids et que je commençais la soirée pour la télévision de TVA à huit heures et demie. Là, le monsieur de la télévision est venu m’expliquer comment je devais sortir pour me rendre sur le ring. Moi, j’essaie de rester dans la bulle. Puis, l’arbitre vient me donner les instructio­ns. Là, on me dit 10 minutes. Puis cinq minutes. On recule à 10 minutes. On m’amène dans le balcon pour que j’attende. Tout d’un coup, je regarde mes bottines et je réalise qu’elles sont usées. Bang, mon esprit part sur mes bottines. Je monte dans le ring, je pense encore à mes bottines, l’adversaire sort du coin vite et vlan, je me retrouve au plancher. Mais le déficit est pas si mauvais. Je me suis relevé et j’ai livré le combat de la soirée… », dit-il.

En faisant un clin d’oeil à maman…

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Une belle complicité cimente Vincent Thibault et sa mère Nancy Laliberté. PHOTO RÉJEAN TREMBLAY

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