Ils ignorent la suite donnée à leurs recommandations
Le Bureau du coroner se base sur la bonne foi des organisations pour que ses propositions soient considérées
QUÉBEC | Un cafouillage règne au Bureau du coroner, qui ignore le véritable suivi accordé à ses recommandations. La situation ne peut plus durer, affirment d’une même voix des proches de défunts et des coroners.
Mise en place il y a 30 ans, la Loi sur la recherche des causes et circonstances des décès n’exige aucune reddition de compte de la part des organismes publics ou privés faisant l’objet d’un rapport du coroner. Rien ne les oblige à prendre connaissance du document ni à donner suite aux recommandations les visant.
« C’est un non-sens. C’est une incohérence qui est complètement folle », peste Pierre Magloire, dont le frère, Alain, est mort en 2014 sous des tirs policiers à Montréal.
Le coroner Luc Malouin a enquêté sur ce décès. Plusieurs des recommandations émises alors sont demeurées lettre morte. « Au moment du rapport, avec les recommandations, je me disais : wow ! Alain ne sera pas mort en vain. Aujourd’hui, je regarde : le rapport a été tabletté. »
Pierre Magloire milite pour que les organisations aient la responsabilité de mettre en action ce que les coroners proposent. Même discours du côté de Marc Brunelle, dont le fils Thomas a été frappé par un train en 2011, à Saint-Tite. Aussi dans ce cas, la recommandation n’a pas été suivie.
« Le coroner devrait avoir un pouvoir exécutoire et, pour moi, c’est un combat à vie », lance l’homme, qui souhaite que des sanctions s’appliquent en cas de manquement.
APPEL AU CHANGEMENT
Actuellement, le Bureau du coroner se base sur la bonne foi des organisations pour que ses recommandations soient considérées. « On n’a pas le pouvoir de dire : vous devez nous répondre et vous devez nous dire ce que vous avez fait de notre recommandation. Et ça, je trouve ça malheureux », avance la coroner en chef Pascale Descary.
Pour la dizaine de coroners interrogés par Le Journal aux fins de cette enquête, il est temps de serrer la vis. « Ce n’est plus suffisant, un accusé de réception », statue le coroner Jacques Ramsay.
OUTILS DÉFICIENTS
Il est ainsi difficile pour le Bureau du coroner de connaître l’issue exacte de son travail. En 2015, il s’est basé sur des correspondances fournies de bonne foi par les organisations visées pour affirmer que 38 % des recommandations auraient été appliquées. Mais, avant l’enquête du Journal, personne n’avait vérifié si elles l’étaient vraiment.
Le ministère de la Sécurité publique, dont relève le Bureau du coroner, se base aussi sur ces correspondances pour dresser un résumé du suivi des recommandations dans le cadre de l’étude des crédits. Après vérification toutefois, ce document est vague, présente plusieurs lacunes et ne permet pas de démontrer ce qu’il est véritablement advenu des propositions.