LA GRÈVE POUSSE LE PAYS AU BORD DU CHAOS
BRASILIA | (AFP) Une grève d’ampleur des transporteurs routiers au Brésil commençait hier à clouer des avions au sol et à paralyser des secteurs entiers de l’économie, en dépit de l’annonce la veille par le gouvernement d’un accord sur une trêve de 15 jours.
Au cinquième jour de ce mouvement contre la hausse du prix du diesel, de nombreuses routes restaient bloquées par des barrages dans tout le pays, ainsi que l’accès aux raffineries, la plupart des stations-service de nombreuses grandes villes étant à sec.
La préoccupation a monté d’un cran avec l’annonce de l’annulation des premiers vols à l’aéroport de Brasilia, dont deux internationaux, les réserves de kérosène étant épuisées.
La compagnie américaine American Airlines a décidé d’annuler un vol en provenance de Miami qui aurait dû atterrir à Brasilia dans la matinée, ainsi que celui du soir qui devait repartir de la capitale brésilienne à destination de la Floride.
La situation était également critique dans d’autres aéroports du pays, et de nombreux avions pourraient être cloués au sol rapidement en l’absence de ravitaillement.
APPEL DU SYNDICAT
Plus tard en journée, l’un des principaux syndicats de transporteurs routiers a appelé à lever les barrages qui paralysent le pays depuis lundi après que le gouvernement a haussé le ton en mobilisant l’armée pour dégager les grands axes.
L’Association brésilienne des camionneurs (ABCAM) s’est dite « inquiète de la sécurité des chauffeurs » et a demandé dans un communiqué « que les manifestations se poursuivent de façon pacifique, sans obstruer les voies », explique ce syndicat, qui revendique 600 000 routiers indépendants.
L’ARMÉE MOBILISÉE
Le ministre de la Défense Joaquim Silva e Luna venait d’affirmer que l’armée agirait « de façon rapide, coordonnée et énergique [...] pour libérer la circulation dans des zones critiques » comme les raffineries et les aéroports.
Le gouvernement a affirmé hier en fin de journée que 45 % des barrages avaient déjà été levés. « La Police routière fédérale avait recensé 938 barrages, mais il n’en reste que 519 », a assuré le ministre de la Sécurité publique Raul Jungmann.
« Nous n’allons par permettre que la population n’ait pas accès à des produits de première nécessité [...], que les hôpitaux n’aient pas les médicaments nécessaires pour sauver des vies », a expliqué le président Michel Temer pour justifier l’intervention de l’armée.
Dans un communiqué conjoint, les leaders des principaux syndicats du pays ont affirmé que « la décision du gouvernement de mobiliser l’armée comme instrument de répression » revenait à « tenter d’éteindre l’incendie avec de l’essence ».
ÉTAT D’URGENCE
Le maire de Sao Paulo, capitale économique du pays, a même décrété l’état d’urgence, une mesure extrême permettant notamment de réquisitionner du combustible.
Jeudi, considérant que les autorités n’avaient « pas répondu aux attentes », l’ABCAM avait décidé de quitter une réunion avec le gouvernement à l’issue de laquelle d’autres syndicats avaient signé un accord pour une trêve de 15 jours dans la grève contre la hausse des prix du diesel.
« Nous avons accepté les douze revendications prioritaires des routiers, qui se sont engagés à mettre fin aux barrages sur-le-champ. Malheureusement, une minorité radicale a continué de bloquer les routes », a souligné vendredi le président Temer, en référence aux sept heures de négociations de la veille.
« Une minorité a fait plus de bruit que la majorité. La baisse (de la mobilisation) n’est pas à la hauteur de ce que nous espérions, mais elle est réelle », a souligné hier le chef du gouvernement, Eliseu Padilha.
« Les négociations sont terminées. Maintenant, nous attendons que les termes de l’accord soient respectés », a-t-il ajouté.
PROBLÈMES MAJEURS
Les problèmes majeurs d’approvisionnement causés par cette grève ont affecté l’ensemble de l’économie, dans cet immense pays qui n’a quasiment pas de réseau ferroviaire et où 60 % du transport de marchandises s’effectue par la route.
Les exportations du pays sont en passe d’être fortement affectées, et l’industrie automobile, qui emploie 132 000 personnes, est déjà totalement à l’arrêt.
Cette situation chaotique porte un rude coup à la crédibilité du gouvernement de centre droit de M. Temer, à moins de cinq mois de l’élection présidentielle d’octobre, et touche une économie qui a du mal à se remettre sur pied après la récession historique de 2015-2016.