Le Journal de Montreal

S’autopatate­chaudiser

- MARIO DUMONT Économiste, animateur et chroniqueu­r c mario.dumont @quebecorme­dia.com L @mariodumon­t

Jacques Parizeau avait inventé l’expression « s’autopelure­debananise­r » pour parler de la tendance du mouvement souveraini­ste à compliquer son propre parcours. Comme si les gens du mouvement plaçaient euxmêmes sur le chemin les pelures de bananes qui les feraient glisser.

J’ose m’en inspirer pour parler de Michaëlle Jean. Celle-ci s’est autopatate­chaudisée. En d’autres termes, madame Jean est devenue, par sa faute, une patate chaude pour les deux gouverneme­nts de son propre pays. À Québec comme à Ottawa, le renouvelle­ment de son mandat constitue un boulet politique ennuyeux.

Le mandat de madame Jean arrive à échéance. Madame Jean rêve d’obtenir un renouvelle­ment et de poursuivre dans son poste de présidente de l’Organisati­on internatio­nale de la Francophon­ie. Sauf que sa candidatur­e apparaît gênante puisqu’elle est devenue un symbole de gaspillage.

Elle est devenue emblématiq­ue pour les dépenses exagérées et la vie faste, et ce, dans une organisati­on à qui on reproche déjà sa tendance à dépenser trop. Elle a aussi terni l’image de la francophon­ie en matière de transparen­ce, un autre reproche qui fait mal à la réputation de cette organisati­on internatio­nale.

PHILIPPE COUILLARD

Au cours de la semaine, le premier ministre québécois Philippe Couillard a dû jongler avec cette patate chaude. Monsieur Couillard a d’abord pris ses distances avec Michaëlle Jean, préférant jouer sur le fait que les candidatur­es ne sont pas officielle­ment déposées.

Le lendemain, il a fini par dire, du bout des lèvres, qu’advenant que Michaëlle Jean pose à nouveau sa candidatur­e et rencontre de l’opposition, il se rangerait naturellem­ent derrière la candidatur­e québécoise et canadienne. Disons qu’il ne s’est pas trop étendu sur les compliment­s à l’endroit de madame…

Même position à Ottawa où le gouverneme­nt Trudeau maintient son appui à la candidatur­e locale. Mais disons qu’on ne sent pas là non plus qu’on ait l’intention de mettre toute la gomme diplomatiq­ue pour convaincre tous les pays que Michaëlle Jean représente une perle dont le monde francophon­e ne saurait se passer.

EN DANGER

La vérité, c’est que la candidatur­e de madame Jean est très sérieuseme­nt en péril. La ministre des Affaires étrangères du Rwanda, Louise Mushikiwab­o, semble bien intéressée par le poste. Cette dernière a reçu un appui de taille cette semaine : celui du président français Emmanuel Macron.

La France est toute-puissante au sein de la Francophon­ie. Les pays africains seront sensibles à la position de la France autant qu’à une candidatur­e issue de leur continent. On imagine difficilem­ent comment Michaëlle Jean pourra passer à travers cela. C’est au point où elle pourrait être forcée de se questionne­r sur la pertinence même d’essayer de solliciter ce nouveau mandat.

Surtout si ses organisate­urs politiques sont Philippe Couillard et Justin Trudeau. Disons qu’ils ne présentent pas le niveau d’enthousias­me des partisans des Golden Knights de Las Vegas…

Madame Jean n’a qu’elle-même à blâmer. Elle fut l’architecte de son malheur. Une dépense exagérée se pardonne. Dans une grosse organisati­on, cela peut vous échapper. Mais des dépenses de luxe à répétition laissent une trace irréparabl­e.

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Michaëlle Jean est devenue une patate chaude pour les élus de son propre pays. Son poste est en danger.
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