Le Journal de Montreal

Incroyable mais vrai, leur audience encore reportée

Une famille vivant au Québec attend une réponse depuis neuf ans

- CHRISTOPHE­R NARDI

La famille de demandeurs d’asile qui attend depuis neuf ans pour savoir si elle pourra rester au pays a vu son audience annulée pour une huitième fois à cause d’un imbroglio du tribunal.

« C’est incroyable. Je n’en reviens pas. Tout ce temps perdu encore une fois, après neuf ans d’attente, et toujours pas de décision. Ça ne se peut pas », a murmuré d’un ton défait le père de cette famille de cinq demandeurs d’asile. Tous étaient sous le choc en sor- tant hier de la brève audience dont ils espéraient de tout coeur qu’elle serait leur dernière.

Comme le révélait Le Journal en avril, cette famille de demandeurs d’asile a fui le Proche-Orient il y a neuf ans pour se réfugier au Québec. Depuis, ses audiences devant la Commission de l’immigratio­n et du statut de réfugié (CISR) avaient déjà été annulées à sept reprises, souvent le jour même.

Les raisons évoquées frôlaient parfois le ridicule et étaient imputables au gouverneme­nt. Entretemps, la famille vit sur un siège éjectable, car elle pourrait être renvoyée dans son pays d’origine à tout moment.

CONFLIT D’INTÉRÊTS

Cette fois, le report est dû au fait que le nouveau commissair­e assigné au dossier était l’ex-collègue de bureau et connaissan­ce de Stéphane Handfield, l’avocat de la famille.

Celui-ci avait donc le devoir déontologi­que de soulever le potentiel conflit d’intérêts et le commissair­e aurait tout de suite accepté de se retirer, dit Me Handfield.

« Quand j’ai vu entrer le commissair­e, je n’y croyais sincèremen­t pas. On aura vu toutes les situations inimaginab­les dans ce dossier. Je croyais qu’on avait passé toutes les excuses possibles pour faire annuler les audiences, donc jamais je n’aurais cru que ça arriverait encore », s’étonnait Me Handfield hier.

Il était toutefois soulagé de voir que la CISR a tout de suite prévu de nouvelles audiences pour le mois prochain.

TRAVAIL ET ÉCOLE

Mais ces annulation­s sans fin ne sont pas sans coûts pour la famille. En plus de l’incroyable stress qu’ils vivent le jour de l’audience, les cinq doivent prendre congé de leur travail et de l’école pour y assister, disent-ils.

« Nous venons d’ouvrir un nouveau restaurant il y a quelques mois. Mais parce qu’on est tous ici aujourd’hui, nous avons dû limiter les heures d’ouverture uniquement au dîner. Ça ne donne pas une bonne image pour une nouvelle entreprise, et finalement ça n’a servi à rien », a soulevé le patriarche.

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