Échanges secrets avec les gens de l’Aga Khan
Ottawa a caviardé les correspondances qui ont précédé les deux rencontres avec Justin Trudeau
OTTAWA | Le fédéral garde secrètes 80 % des centaines de pages de correspondances échangées avec des représentants de l’Aga Khan durant les trois mois qui ont précédé les deux rencontres entre le premier ministre Justin Trudeau et le richissime leader religieux.
Sur les 316 pages de courriels et notes de service partagés entre des fonctionnaires du bureau du Conseil privé et des employés du Réseau Aga Khan de développement (AKDN), seules 65 ont été divulguées à l’Agence QMI en réponse à deux de ses demandes d’accès à l’information.
Lourdement caviardées, elles ne permettent pas d’en apprendre davantage sur les rencontres.
CULTURE DU SECRET
L’expert en droit à l’information Sean Holman voit là un exemple « typique » que la Loi sur l’accès à l’information sert davantage à maintenir la culture du secret qu’à confronter celle-ci.
« Cette loi est probablement le seul moyen que nous avons pour obtenir de l’information que le gouvernement ne veut pas nous donner de luimême. Or, le fait que les exemptions, qui sont en fait des échappatoires, soient si dominantes dans la loi nous indique à quel point celle-ci ne fonctionne pas. »
TRUDEAU BLÂMÉ
M. Trudeau a enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts en séjournant sur l’île privée de l’Aga Khan à l’hiver 2016, a conclu l’ex-commissaire à l’éthique Mary Dawson en décembre. Elle reprochait au premier ministre de ne pas s’être récusé de discussions qui auraient pu favoriser l’AKDN, alors que l’organisme pressait Ottawa de lui verser une subvention de 15 M$.
L’Agence QMI a tenté d’obtenir des communications survenues sur deux périodes mentionnées dans le rapport d’enquête de l’ex-commissaire, l’une avant un dîner privé à Paris en 2015, et l’autre précédant une rencontre le 17 mai 2016 à Ottawa.
« Il ne devrait pas être possible de communiquer avec le gouvernement dans le secret, croit le cofondateur de Démocratie en surveillance, Duff Conacher. Le lobbyisme caché est illégal. »
Le président du Centre pour le droit et la démocratie, Toby Mendel, note que des raisons invoquées pour censurer les documents n’ont pas à être appliquées « quand l’intérêt public outrepasse leur étendue ». Au cabinet du président du Conseil du Trésor, Scott Brison, on assure que la transparence est une priorité et qu’aucune interférence politique n’est faite dans le traitement des demandes d’accès à l’information.