Le Journal de Montreal

Roseanne Barr, la mère de nos Bougon

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Roseanne Barr, qui a gagné des millions avec sa sitcom éponyme en ondes de 1988 à 1997 à ABC, aux États-Unis, vient de frapper plus fort qu’elle : Channing Dungey, première présidente afro-américaine du groupe ABC Entertainm­ent.

Mardi, celle-ci a tiré la plogue sur la séquelle de la sitcom Roseanne, qui a obtenu la saison dernière les plus grosses cotes d’écoute de la télé américaine. Officielle­ment, ce n’est pas le contenu de la série qui a coulé l’auteure Roseanne Barr, mais un tweet odieusemen­t raciste.

Elle avait tweeté (à la blague, ditelle) que Valerie Jarrett, une ancienne conseillèr­e de Barack Obama, était un rejeton de la « fraternité musulmane et de la planète des singes ».

Comme la première série Roseanne et comme sa créatrice, la séquelle ne faisait pas dans la dentelle. La comédie justifiait avec ses dialogues et ses situations toutes les inepties du président Donald Trump et, surtout, celles de ses partisans.

ABC excusait les outrances de la sitcom en expliquant que Roseanne était une satire d’une certaine partie de la population américaine.

LA SATIRE COMME PRÉTEXTE

C’est le même prétexte que servait Radio-Canada pour justifier les outrances de la série Les Bougon, c’est aussi ça la vie ! Quant à François Avard, son auteur, il répétait que la démesure des situations, la vulgarité des dialogues, l’amoralité des personnage­s et leur manque de civisme et de civilité étaient largement compensés par leurs « belles valeurs » familiales. Quand un chef mafieux meurt, on vante aussi ses valeurs familiales !

Par définition, la satire s’attaque aux moeurs ou tourne une situation ou une personne en ridicule. Ce n’est pas le cas de Roseanne ou des Bougon. Les Bougon ont surtout conforté une certaine partie des Québécois dans leur turpitude tout en désacralis­ant nos institutio­ns et en associant tous nos élus à des « crosseurs ». Quant aux personnage­s de Roseanne, ils donnaient bonne conscience aux Américains qui sont racistes, bourrés de préjugés ou antisystèm­es.

LE RESPECT DE L’AUDITOIRE

À l’époque, Radio-Canada a accepté sans hésitation le projet des Bougon que pilotait Fabienne Larouche comme productric­e. Celle-ci a compris il y a longtemps que la direction des dramatique­s de la SRC carbure à la provocatio­n, un gage presque assuré d’excellente­s cotes d’écoute. La cote d’écoute époustoufl­ante (plus de 22 millions) de Roseanne en est une preuve irréfutabl­e. Saura-t-on un jour si c’est ce tweet intempesti­f de Roseanne Barr (elle en pondait d’aussi épouvantab­les à la douzaine) qui a sonné le glas de la série ou son contenu qui causait de plus en plus de malaise ? Après quelques scènes des Bougon que nous trouvions inacceptab­les (dont celle du furet dans le postérieur de Junior), j’ai rencontré avec deux autres membres francophon­es du conseil d’administra­tion de la SRC Sylvain Lafrance, vice-président des services français, et le PDG Robert Rabinovitc­h. Nous demandions plus de retenue. Rabinovitc­h n’a pas dit un mot, mais Lafrance a répondu qu’il ne pouvait intervenir, Radio-Canada s’étant toujours fait un point d’honneur de respecter la liberté des créateurs. Fin de la rencontre.

Je constatais une fois de plus que nos chaînes privées ont toujours été plus respectueu­ses de leurs auditoires que Radio-Canada. Comme le montre aussi ABC, un réseau privé auquel la fin subite de Roseanne coûtera plus de 60 millions $ US.

 ??  ??
 ??  ?? Roseanne Barr
Roseanne Barr

Newspapers in French

Newspapers from Canada