Le pur gaspillage
Le Conseil national zéro déchet vient de publier une étude, une autre, sur le phénomène du gaspillage alimentaire dans un pays riche comme le nôtre. Chaque Canadien fout à la poubelle 400 kg de nourriture. Pour une famille de 5 comme la mienne, cela représenterait deux tonnes !
Près de la moitié de ce gaspillage survient directement à la maison. Le Conseil met largement le blâme sur cette inscription ridicule et incomprise « Meilleur avant ». Une partie importante de la population interprète cette expression comme étant synonyme de « poison après » la date en question.
Avec tous ces apôtres de la saine nutrition qui nous bombardent de mises en garde, bien des gens vivent au quotidien dans la crainte de s’empoisonner. Ceux-là et bien d’autres finissent par inclure les aliments ayant dépassé la date dite « meilleur avant » parmi les menaces à leur survie. On ne prend pas de risque, on jette.
INTERDIRE LE « MEILLEUR AVANT » ?
Le Conseil national zéro déchet suggère d’interdire l’expression « meilleur avant » pour la remplacer par des choses sensées. Pour les oeufs ou d’autres aliments pour lesquels un délai de conservation dépassé comporte un risque, utilisons un langage clair. Pour tous les autres aliments, pour lesquels il est supposé que le goût et la « fraîcheur » sont meilleurs avant une date, il faudrait éviter de faire peur.
Le gouvernement doit-il interdire ou l’industrie s’autodiscipliner ? Chose certaine, à une époque où nos gouvernements se creusent les méninges pour trouver des causes écologiques, voilà un enjeu environnemental simple et clair. En informant la population, en rendant disponibles des informations fondées sur la réalité de la conservation, on pourrait rapidement mettre fin à l’une des formes les plus absurdes de gaspillage.
Bien sûr la perfection n’est pas possible en pareille matière. J’oublierai toujours un légume dans le fond d’un tiroir et un pot jouera à la cachette dans le fond du frigo. Le gaspillage zéro est utopique. Mais le portrait actuel est si déplorable qu’il laisse énormément d’espace pour du progrès.
MONDIAL
Le phénomène du gaspillage alimentaire est déjà bien documenté. Dans le monde, les études démontrent qu’entre un quart et un tiers de toute la bouffe produite finit aux vidanges. Au Canada, c’est pire : la proportion d’aliments jetés s’élèverait plutôt entre 30 et 40 %.
Les gouvernements n’ont jamais pris la chose au sérieux. Le Canada promet une stratégie qui réduirait le gaspillage d’ici 2030. On attend toujours. Au Québec, si vous consultez les sites internet de Recyc-Québec ou du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, vous retrouverez des conseils utiles pour gaspiller moins. Bien fait. Mais l’effort de diffusion et d’éducation : zéro.
Le Royaume-Uni, la France, le Danemark sont des exemples de pays ayant adopté des stratégies sur le gaspillage alimentaire. Cela donne des résultats. Au Royaume-Uni, le gaspillage alimentaire a déjà diminué de quelque 20 % depuis l’application d’une politique en 2007.
Avec nos problèmes de ventres vides et de dépotoirs pleins, s’occuper du gaspillage alimentaire s’avère simplement logique.