Le Journal de Montreal

Le monde est fou

- SOPHIE DUROCHER sophie.durocher @quebecorme­dia.com

Chaque semaine, je pourrais écrire une chronique sur un autre exemple de rectitude politique débile qui contamine tous les milieux. Quand ce n’est pas une chroniqueu­se qui s’offusque des tableaux de femmes nues dans les musées, c’est une auteure qui veut bannir certains mots de notre vocabulair­e, car ils sont trop patriarcau­x.

La police des Moeurs Progressis­tes distribue allègremen­t ses contravent­ions.

Mais j’avoue que l’exemple que je vous propose aujourd’hui est assez gratiné, merci. C’est le Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO) qui a effacé le titre d’un tableau d’Emily Carr, car il contenait le mot « indien » et que ce mot « fait de la peine » à certains. Après le révisionni­sme historique, le révisionni­sme culturel.

PEINDRE LA RÉALITÉ

Emily Carr est une peintre canadienne, morte en 1945, une des rares femmes dans un milieu presque exclusivem­ent masculin. En 1929, elle a peint une toile magnifique, qu’elle a intitulée Indian Church ou Église indienne, car c’était une église… dans un village autochtone de Colombie-Britanniqu­e et qu’en 1929, on appelait les autochtone­s des « Indiens ».

Mais 90 ans plus tard, le Musée des beaux-arts a renommé l’oeuvre. C’est maintenant Church in Yuquot Village.

Wow ! Je suis très contente de savoir que grâce à ce changement, plus aucun visiteur du musée ne risque d’avoir une crise d’apoplexie parce que la simple vue d’un titre de tableau lui donne des convulsion­s.

Le tableau d’Emily Carr n’était pas haineux, il ne représenta­it pas des peuples des Premières Nations dans une pose ridicule. Mais maintenant, à côté du tableau, on trouve une note explicativ­e qui dit que le musée est « en plein processus de changer les titres qui contiennen­t des termes considérés discrimina­toires selon les standards modernes ». Une conservatr­ice a expliqué à La Presse canadienne que le Musée allait enlever tous les termes « qui font mal ou qui font de la peine » (« hurtful and painful ») des titres de ses oeuvres…

On est encore et toujours dans cette nouvelle culture de l’offensé. « Je suis une petite chose fragile et si une chose me dérange, elle doit disparaîtr­e de ma vue. »

Une certaine gauche qui se dit progressis­te voudrait prendre une grosse gomme à effacer et enlever du paysage tout ce qui l’irrite, la choque.

Ils voudraient faire disparaîtr­e tout ce qui ne correspond pas à la vision 2018 de la diversité. Mais ce sera quoi la prochaine étape ? Changer les paroles d’une chanson, effacer les personnage­s gênants d’un film, couper les passages offensants d’un livre ?

Si des oeuvres du passé nous dérangent, pourquoi ne pas nous confronter à elles plutôt que de chercher à gommer tout ce qui nous dérange ?

Si des oeuvres du passé nous dérangent, pourquoi ne pas nous confronter à elles ?

CHANTE-LA TA CHANSON

Parfois, je m’ennuie de l’époque d’insoucianc­e où on pouvait chantonner « Toute la vie sera pareille à ce matin, aux couleurs de l’été indien » de Joe Dassin sans se faire taper sur les doigts par les Gendarmes de la Bonne Conscience.

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