Le vote des jeunes, qu’est-ce que ça donne ?
La question se pose, à la veille de l’élection du 1er octobre prochain, et à la lumière du constat préoccupant de bon nombre de jeunes qui boudent les urnes et qui s’impliquent peu en politique active.
Certes, l’engagement ne se limite pas seulement aux structures des partis politiques ou à l’exercice du droit de vote. S’impliquer dans son milieu, dans les organismes communautaires, dans les milieux d’affaires, dans des organismes de femmes, ou pour une cause qui nous tient à coeur, c’est aussi une façon de faire la politique.
D’ailleurs, les données de l’Institut de la statistique du Québec le démontrent amplement. Nombreux sont les jeunes de 15 à 34 ans qui font du bénévolat et qui s’engagent dans différents forums qui rejoignent leurs centres d’intérêt.
« UN PEUPLE NOUVEAU »
Le philosophe politique Alexis de Tocqueville disait : « Dans les démocraties, chaque génération est un peuple nouveau. »
Notre démocratie est-elle bien servie quand la moitié des jeunes de 18-34 ans tourne le dos à la politique et boude les urnes au moment crucial où il faut choisir les représentants et les représentantes qui seront appelés à diriger le Québec ?
Sommes-nous face à une génération de protestation tranquille qui se détourne de la chose publique après celle de la Révolution tranquille qui a bâti les institutions sur lesquelles s’est construit le Québec moderne ?
Le Directeur général des élections du Québec a senti le besoin de le rappeler il y a deux mois : « Historiquement, les jeunes de 18 à 34 ans ont toujours moins voté, mais depuis une trentaine d’années, l’écart se creuse de plus en plus » – Pierre Reid, Radio Canada (2 avril).
Il donnait l’exemple de l’élection du 7 avril 2014, où ils étaient seulement 50 % à avoir enregistré leur vote, et leur taux de participation électorale a été encore plus faible dans certaines régions du Québec : 46 % en Outaouais, 42 % en Abitibi-Témiscamingue et 41 % sur la Côte-Nord.
Cette désaffection des jeunes est loin d’être négligeable, car pour la première fois, les 18 à 34 ans compteront plus de 2 millions à l’élection du 1er octobre 2018 et dépasseront la génération des baby-boomers.
Ce désintéressement d’un nombre important de jeunes de la politique et leur abstentionnisme électoral face à l’exercice de leur droit de vote a un prix. Car bien qu’ils représentent un tiers de l’électorat, ils se pénalisent eux-mêmes en s’excluant du jeu politique.
Ce faisant, ils se privent d’un pouvoir d’influence considérable sur les décisions politiques qui se prennent au gouvernement et qui ont une incidence directe sur leur qualité de vie et sur l’avenir du Québec.
QUELLE LÉGITIMITÉ ?
Les causes de cette régression dans la participation électorale des jeunes sont nombreuses et largement documentées.
La Chaire de recherche sur la démocratie et les institutions parlementaires de l’Université Laval avait publié une étude là-dessus, en 2016, qui portait sur l’analyse qualitative de l’abstentionnisme chez les jeunes électeurs québécois, sous le titre Ça me tentait pas.
Une tendance qui creuse le fossé entre les générations en matière de comportement électoral. Jadis, le vote était considéré comme un « devoir civique » à accomplir pour le bien commun. Aujourd’hui, pour plusieurs jeunes, il s’agit d’un « droit » qu’ils exercent, en option, quand ça leur tente.
Samuel Lemire et Guillaume-François Larouche, les jeunes que j’ai interviewés, lors du congrès de la CAQ, font un bon diagnostic de ce phénomène (Voir « Les jeunes en politique, au-delà du cynisme ! » dans la version électronique du Journal d’aujourd’hui à l’adresse jdem.com/jeunes-caq).
Le paradoxe, c’est que la cohorte des 18 à 34 ans d’aujourd’hui est plus éduquée et mieux informée que ses aînés des générations précédentes et pourtant ils sont nombreux à ne pas s’intéresser à la politique.
Certes, les partis politiques traditionnels ont une grande responsabilité dans cette désaffection. Ils sont loin de refléter leurs préoccupations et bon nombre de ces jeunes ne se reconnaissent ni dans leurs discours ni dans leurs orientations.
Ce cynisme érigé en système à l’égard des partis politiques et de leurs façons de faire la politique remet en question la légitimité même de nos gouvernements.
Autre symptôme de ce déficit démocratique, la sous-représentation des jeunes dans les sphères de pouvoir, notamment dans nos parlements.
À l’Assemblée nationale, le groupe d’élus de moins de 40 ans, issu de l’élection du 7 avril 2014, était au nombre de 19, de 20 à 39 ans, sur 125 députés, soit 15,2 %.
Mais il y a de l’espoir. Les générations antérieures ont eu des leaders charismatiques qui les ont mobilisées et portées au pouvoir : Jean Lesage, René Lévesque, Robert Bourassa et Lucien Bouchard sont de cette trempe.
En attendant que les jeunes d’aujourd’hui trouvent leur figure de proue qui va faire accéder leur génération au pouvoir, il faut commencer par influencer le choix de la prochaine élection, en allant voter.