Le Journal de Montreal

Sa fille entre les griffes de pimps

- MARIE-ÈVE DUMONT

Une mère qui a cru avoir perdu sa fille mineure aux mains de proxénètes lors du Grand Prix en 2015 souhaite mettre en garde contre les ravages de l’industrie du sexe sur les jeunes, mais aussi sur les parents.

Des organismes dénoncent chaque année le recrutemen­t de jeunes femmes fait par les proxénètes à l’approche du Grand Prix du Canada.

Karine (nom fictif) aurait été recrutée pour la première fois en 2015 par une autre fille de son école, raconte sa mère, qui a désiré garder l’anonymat pour préserver l’identité de son enfant.

Alors âgée de 15 ans, la jeune fille a changé peu à peu ses habitudes.

« Elle ne revenait pas directemen­t après l’école. Elle m’a même volée et me mentait. La psychoéduc­atrice m’a aussi dit qu’elle parlait de sexe de plus en plus, qu’elle comptait aller rejoindre un gars dans un appartemen­t », raconte la mère.

« L’ENFER »

Malgré tous les efforts de la femme pour protéger sa fille, Karine a disparu le soir d’ouverture des festivités du Grand Prix au début juin.

Sans nouvelles d’elle depuis plusieurs heures, elle avait remué ciel et terre. « J’étais en hyper vigilance. Je n’avais qu’un seul but. Je ne savais pas si j’allais la retrouver vivante. C’était l’enfer », se souvient-elle.

Vers 2 h 30 dans la nuit, un automobili­ste l’a trouvée dans un très mauvais état.

« Elle était complèteme­nt droguée, des bleus sur les bras, les vêtements en lambeaux et les souliers troués. J’en fais encore des cauchemars, c’était horrible », raconte sa mère en étouffant un sanglot.

PAS LA SEULE

L’histoire de Karine et de sa mère n’est pas unique, insiste Natalie Basmadjian, intervenan­te à la Coalition des luttes contre l’exploitati­on sexuelle (CLES).

« Les parents ou grands-parents qui viennent à la CLES nous racontent des histoires similaires. Ce sont souvent des femmes qui recrutent, car c’est une façon pour elles de faire moins de clients. Elles aussi sont sous l’emprise du proxénète », dit-elle.

Karine est aujourd’hui majeure, ne se drogue plus et a repris l’école.

« S’il y a des clients qui lisent ça, il faut qu’ils soient conscients que ce n’est pas juste la fille qu’ils traumatise­nt, ce sont aussi les parents. Nos enfants ne sont pas des déchets », insiste la mère.

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