Le sommet de la discorde
Le Canada accueille, depuis hier, le Sommet du G7, un club select de pays riches qui accaparent à eux seuls 46 % du produit intérieur brut mondial. Et c’est au Québec que ça se passe, au magnifique Manoir Richelieu, à La Malbaie.
UNE ALLIANCE LÉZARDÉE
Nonobstant les ennuis causés par les manifestations et l’omniprésence de la sécurité, on devrait s’en réjouir, ne serait-ce que pour les retombées économiques immédiates qu’il engendre, sans compter le rayonnement touristique de la région de Charlevoix à l’échelle internationale.
Mais exotisme mis à part et au-delà des sourires qui s’en dégagent, sur le fond, le G7 n’a jamais été aussi lézardé que depuis l’arrivée, en son sein, de Donald Trump. Même les partenaires les plus fidèles des États-Unis n’ont pas trouvé grâce à ses yeux.
Malgré toutes les opérations de charme et les tentatives de dissuasion de ses alliés traditionnels, il n’a pas hésité à les larguer en quittant l’accord de Paris sur le climat, en dénonçant l’accord sur le nucléaire iranien, en tentant d’en finir avec l’ALENA, et en imposant des tarifs douaniers injustes sur l’acier et l’aluminium, au Canada, aux pays de l’Union européenne et au Japon.
Le front commun du premier ministre, Justin Trudeau et du président français, Emmanuel Macron, tiendra-t-il la route ? Le temps nous le dira. Mais les deux pays ne sont pas affectés au même degré.
Les relations canado-américaines sont dans une catégorie à part, à cause de notre dépendance économique vis-à-vis de notre voisin du Sud, un marché qui accapare 80 % de nos exportations.
Même si le président Macron s’est montré rassurant en déclarant que « l’alignement de l’Europe est complet », il n’en demeure pas moins qu’au sein même de l’Europe, les failles sont de plus en plus profondes.
Le Royaume-Uni aurait bien aimé avoir un traitement économique préférentiel des États-Unis, mais la guerre commerciale de Trump ne l’a pas épargné.
Theresa May, la première ministre britannique, doit ménager le chou et la chèvre. D’un côté, plaider la cause de l’Europe face à la surtaxe américaine, de l’autre naviguer dans l’incertitude post-Brexit qui inquiète l’Europe et le Japon.
Pour sa part, le Japon est durement heurté par la surtaxe imposée par le président américain. Le premier ministre Shinzo Abe n’a d’autres choix que de s’allier à ses partenaires européens, tout en ménageant les sensibilités de Donald Trump pour ne pas être marginalisé dans les négociations avec la Corée du Nord.
QUEL AVENIR POUR LE G7 ?
Depuis sa création, le G7 a eu sa part de détracteurs qui l’accusent de perpétuer un ordre mondial néocolonial et néolibéral. Mais la tourmente qui le frappe lors de ce dernier sommet vient de l’interne, de son principal allié, les États-Unis.
Sauf pour la doyenne, Angela Merkel, aux commandes depuis 2005, et le premier ministre Shinzo Abe (2012), tous les autres dirigeants présents au Sommet de La Malbaie sont de nouveaux venus : Justin Trudeau (2015), Theresa May (2016), Donald Trump (2017), Emmanuel Macron (2017) et Giuseppe Conte n’est en fonction que depuis une semaine (1er juin 2018). Les deux présidents de la Commission et du Conseil européens sont en fonction depuis 2014.
Depuis plus d’un an, plusieurs d’entre eux se sont rendus à Washington pour opérer un rapprochement avec Donald Trump. Force est de constater que les mamours, au-delà des apparences, n’ont pas duré.
Il est peut-être temps de s’inspirer de la sagesse africaine qui nous invite à ne pas passer notre vie à redresser l’ombre d’un bâton tordu.
Emmanuel Macron ne s’est pas gêné pour dire que Trump n’était « pas éternel », soit. Mais le protectionnisme de Trump est-il dû seulement à l’entêtement d’un seul homme ou s’agit-il d’une tendance idéologique plus profonde qui monte non seulement aux États-Unis, mais en Europe aussi ?
Si le Sommet de La Malbaie ne parvient pas à un consensus minimum, il faudrait peut-être commencer à s’interroger sur la raison d’être même de ce forum.