Le casseur à cravate
Comme on l’anticipait, il y a effectivement eu du brasse-camarade dans le contexte du Sommet du G7, mais alors qu’on attendait les malandrins sur la Grande Allée, le casseur s’est plutôt pointé à Bagotville, à bord d’un gros Boeing 747 bleu.
Habitué à l’action directe, c’est dans le confort de sa routine de toilette matinale que Donald Trump a lancé ses premières roches, au moyen de son compte Twitter. Devant les journalistes de la Maison-Blanche, avant d’aller prendre son vol, il en a remis.
En vrac, le Canada serait injuste envers les fermiers américains ; le président s’en va au Canada pour aplanir des traités injustes, sans lesquels les États-Unis se porteraient mieux ; il faut ramener Poutine au G7 ; et félicitations, au passage, à un autre Russe pour sa conquête de la Coupe Stanley.
Une fois arrivé en retard à La Malbaie, le président est reparti rapidement sans prendre le déjeuner avec ses collègues, peut-être pour essayer « le Veilleux », hamburger légendaire d’un casse-croûte local. Il annonce déjà qu’il filera tôt demain matin, avant les échanges sur les changements climatiques.
Ma défunte grand-mère disait que la visite, ça fait plaisir deux fois. Quand ça arrive et quand ça repart.
UN BON « DEAL »
Donald Trump ne croit pas au multilatéralisme. Ça fait longtemps qu’on le dit. On constate maintenant ce que ça veut dire.
Plus encore, Trump ne croit pas que l’intérêt mutuel de chacune des parties d’une entente puisse ressortir. Dans sa conception d’un deal, il y a nécessairement quelqu’un qui se fait rouler.
C’est le contraire du principe du libreéchange. On laisse entrer des produits étrangers chez nous, mais nos propres biens et services trouveront des marchés ailleurs.
Bref, Donald Trump ne croit pas à ça, et ses partisans, qui n’y croient pas davantage, lui en savent gré.
Il y a d’ailleurs quelque chose d’agaçant à voir les autres leaders mondiaux s’obstiner à ne pas comprendre cette dynamique. Quand le président du Conseil européen Donald Tusk se plaint de voir Trump remettre « l’ordre mondial » en question, il confirme à ses électeurs et aux amateurs des théories du complot qu’ils ont obtenu exactement ce pour quoi ils ont voté. « Four more years », aurait-il pu s’exclamer, en conclusion.
CASSEURS UNIS
Les technocrates des grandes organisations internationales prennent toujours un air ahuri quand leur système est battu en brèche lors de rendez-vous référendaires ou électoraux. En bâtissant leurs institutions, ils ont oublié que derrière les démocraties qu’ils disent défendre, il y a des peuples qui ne l’entendent pas de la même manière qu’eux.
C’est beaucoup cette attitude qui a mené aux grandes mobilisations altermondialistes et à des mouvements comme Occupy. C’est le même phénomène qui a également généré une autre réponse, ce protectionnisme populiste qui répond aux préoccupations des anciens ouvriers naguère de gauche.
Contre les grandes rencontres de concertation internationale, il y a des casseurs habillés en noir dans la rue qui fracassent des vitrines. Il y a toutefois un autre type de casseur dont les actions ont des effets beaucoup plus tangibles, parce qu’infiniment plus dévastateurs. Et permanents.
Ceux-là portent de grosses cravates et l’escouade antiémeute ne peut rien contre eux.