Le Journal de Montreal

La gratuité finit par coûter cher

- MARIO DUMONT Économiste, animateur et chroniqueu­r c mario.dumont @quebecorme­dia.com L @mariodumon­t

En cette campagne préélector­ale, le mot gratuité est à la mode. Les partis politiques ont toujours une tendance naturelle à se montrer généreux en pareilles périodes. Voyant l’équilibre budgétaire et certaines marges de manoeuvre financière­s, cette générosité tend à s’exacerber.

Au cours des dernières semaines, le PLQ a promis les garderies gratuites pour les enfants de 4 ans. Le PQ a poussé le bouchon plus loin en promettant la gratuité complète en éducation du primaire à l’université. Cette idée était déjà supportée par Québec solidaire. Ces derniers suggèrent aussi la gratuité des soins dentaires pour une bonne partie de la population. Et ça commence !

Promettre la gratuité pour gagner des votes, c’est vieux comme le monde. À terme, le citoyen dont le budget est toujours serré rêve que tout soit gratuit. Imaginez la belle vie si l’on obtenait gratos le loyer, les vêtements, l’épicerie. L’épicerie gratuite ! Facile à justifier dans un discours politique : aucun besoin n’est plus essentiel dans la vie que de se nourrir !

EFFETS PERVERS

Mais la prétendue gratuité a de bien mauvais côtés. Elle peut constituer une erreur déplorable en matière de politiques publiques. Une erreur extrêmemen­t difficile à corriger puisque lorsqu’on a offert quelque chose de gratuit à la population, le retour en arrière est périlleux.

Je me méfie de la gratuité à cause des conséquenc­es négatives. Un service public dit gratuit devient généraleme­nt un service où sévissent des listes d’attente. Le système de santé canadien, ça vous dit quelque chose ? Même le récent retrait des frais accessoire­s en santé s’est traduit par des mois d’attente pour des services comme les échographi­es.

La gratuité signifie bien souvent une dégradatio­n de la qualité des services. Le cas des université­s gratuites en France mérite qu’on y porte une attention. La France est aux prises avec bien des université­s considérée­s comme des institutio­ns de seconde classe. Mais elles sont gratuites.

Les université­s de Montréal, Laval et McGill pourraient-elles demeurer dans l’élite mondiale dans un contexte de gratuité ? Je n’y crois vraiment pas. Le PQ devrait inclure cela dans sa réflexion.

GASPILLAGE

Les services gratuits sont aussi généraleme­nt gaspillés. Regardez comment les gens se comportent dans les buffets à volonté. Quand ça ne coûte rien, chacun a tendance à en prendre plus que nécessaire. Pareil pour les services gouverneme­ntaux. Il faudrait introduire un ticket modérateur en santé plutôt que de promettre la gratuité ici et là.

À la base, le mot gratuité transporte lui-même un immense mensonge. Gratuit ? Rien n’est gratuit ! Un service devient gratuit pour ses utilisateu­rs lorsqu’on le fait payer par l’ensemble des contribuab­les. Non seulement ce n’est pas gratuit, mais puisqu’on l’utilise mal et trop, le service dit « gratuit » coûtera finalement plus cher. Plus cher, c’est exactement le contraire de gratuit.

À tous ceux qui sont à l’affût des exemples de populisme en politique, soyez vigilants. N’y a-t-il rien de plus populiste que de faire rêver une population en faisant miroiter des choses qui deviendrai­ent par magie « gratuite » ?

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Les problèmes du système de santé devraient retenir les politicien­s de promettre d’autres services gratuits pour gagner des votes.

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