La communauté médicale rassure
Le meurtre d’une jeune employée de la santé ne doit pas décourager les travailleurs d’aller à Kuujjuaq
KUUJJUAQ | La communauté médicale de Kuujjuaq se fait rassurante quelques jours après le meurtre d’une travailleuse de laboratoire, souhaitant que ce « geste de violence isolé » n’ait pas d’impact sur le recrutement de futurs professionnels de la santé.
l∫ « Je n’ai pas de boule de cristal, mais j’espère que ceux qui veulent travailler dans le Nord ont assez de discernement pour voir qu’il s’agit d’une affaire isolée », affirme la docteure Nathalie Boulanger, qui dirige les services professionnels de l’hôpital de Kuujjuaq.
Le Journal l’a rencontrée hier, quelques heures après sa descente d’avion, dans un petit bureau situé à l’intérieur d’un entrepôt adjacent au Centre de santé Tulattavik de l’Ungava, où elle ne peut pas faire deux pas sans se faire accoster.
Nathalie Boulanger exerce la médecine dans le petit village nordique de 2700 habitants depuis 28 ans. Le père de ses filles est un Inuit et elle n’a que de bons mots pour la communauté.
Comme toute la population, elle a été horrifiée d’apprendre la mort tragique de Chloé Labrie, lundi soir. La femme de 28 ans aurait été abattue d’une balle à la tête dans sa résidence.
Randy Koneak, 20 ans, a été accusé de meurtre prémédité jeudi.
PAS UN CRIME RACIAL
« C’est épouvantable ce qui est arrivé, mais ça a beaucoup plus à voir avec la personne qui aurait fait ça. Il ne faut pas généraliser », soutient la Dre Boulanger.
L’adjoint à la directrice générale de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik (RRSSSN) abonde dans le même sens.
« Les travailleurs non inuits ne sont pas visés par cet acte. Les relations sont bonnes et la communauté est un endroit extrêmement sécuritaire », insiste Fabien Pernet.
Les deux intervenants rencontrés par Le Journal sont toutefois réalistes. Ils ont besoin d’employés qualifiés formés au sud pour combler les besoins en soins de santé, et la nouvelle de l’assassinat de Chloé Labrie, originaire de Victoriaville, a fait grand bruit dans toute la province.
RECRUTEMENT
« Si j’avais à recruter un médecin dans deux jours, peut-être que ça [le meurtre] changerait quelque chose », convient la Dre Boulanger.
Le téléphone a de M. Pernet a déjà commencé à sonner. Des agences de placement d’infirmières et la faculté de médecine de l’Université McGill lui ont fait part de leurs inquiétudes.
« Ça peut semer un doute dans la tête des gens qui ne connaissent pas le Nunavik, mais c’est vraiment un drame exceptionnel. On ne voit pas de danger immédiat pour nos employés », a-t-il souligné.
La Dre Boulanger et M. Pernet croient d’ailleurs qu’il n’y a pas lieu de renforcer la sécurité outre mesure.
« Nous avions déjà un gardien de sécurité à l’hôpital, explique la médecin. Il y a peut-être de vieilles maisons [où résident certains employés] qui auraient besoin de nouvelles portes et fenêtres. Il faudrait voir avec la maintenance. »
« C’est facile de ne voir que le négatif, de dire que les Inuits ne sont que des gens qui se saoulent et qui se tapochent. Il y en a certains, mais c’est une minorité de la population, et c’est pareil partout », continue la Dre Boulanger.
TOMBER SOUS LE CHARME
La médecin est d’avis que ceux qui viennent s’établir dans les villages nordiques, comme elle l’a fait jadis, sont des personnes aventureuses qui possèdent déjà une grande capacité d’adaptation. Ils sont séduits par le plein air et les autres charmes de la communauté.
« C’est beaucoup plus dangereux de faire un voyage back-pack en Asie pendant six mois que de travailler à Kuujjuaq, mais ça n’empêche pas les gens intéressés de le faire », philosophe Nathalie Boulanger.